Des Jeunes Gens Modernes Volume 2

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Les jeunes gens modernes, terme emprunté au magazine Actuel pour désigner la scène musicale française de l’après-punk (1978-83), avaient encore des choses à nous dire. La preuve avec le deuxième volume de la compilation qui leur est consacrée.

des-jeunes-gens-modernes-volume-2Parue en 2008, la compilation Des jeunes gens modernes retraçait non sans nostalgie cette période qui s’étend de 1978 à 1983, devenue phare avec le temps, où la France découvrait qu’elle aussi avait en son sein toute une génération de groupes underground à tendance new-wave et post punk qui n’avaient pas à rougir devant leurs condisciples britanniques. Loin d’être une compilation new wave de plus, Des jeunes gens modernes se distinguaient des autres compilations basées sur le même thème (Bipp et IVG de Born Bad Records, So Young but So Cold de Tigersushi ou encore Transmission du label Infrastition, pour ne citer que les meilleurs) parce qu’elle avait pour ambition de retracer globalement (et non uniquement musicalement) cette mouvance née sur les cendres encore chaudes du punk.

Un livre, une exposition parrainée par Agnès B, un documentaire et donc cette double compilation ont retracé avec beaucoup de justesse cette période souvent considérée comme froide et ironique, mais dans laquelle émergeait une croyance dans le progrès peut-être naïve mais bien réelle et qui se matérialisait à travers des expérimentations électroniques (stimulées par l’apparition des premiers synthés analogiques), de l’énergie brute héritée du punk et un nihilisme sans concession.

Sept ans plus tard, sans crier gare, vient de paraître avec beaucoup plus de discrétion un volume 2 de cette compilation. Le soufflé, qu’on appelle à présent synth wave pour aller vite, ne s’est pourtant pas dégonflé, loin de là. On ne compte plus les groupes qui se réclament, ouvertement ou non, de cette scène musicale un brin désinvolte à l’époque et qui était loin d’imaginer qu’elle influencerait toute une génération de musiciens trente ans plus tard.

Déjà aux manettes du premier volume, paru uniquement en vinyle, Jean-François Sanz, par ailleurs l’instigateur de l’exposition de 2008, continue son travail d’exhumation de titres rares voire inédits de groupes reconnus (Elli & Jacno, Kas Product et Perspective Nevski) et inconnus (Franz Kultur & Les Kramés, Les stagiaires). Difficile de ne pas être troublés par des titres comme Mini Romance d’ADN’Ckrystall, petit bijou cold wave jusque là inédit, ou le plus connu La Machine à rêver d’X Ray Pop, tant leur son « moderne » nous rappelle celui de certaines productions actuelles à base de synthés vintage, boites à rythmes et autres séquenceurs.

La majorité des titres est plutôt à ranger du côté de la minimal synth, qualificatif que l’on aurait envie d’utiliser pour illustrer ce son lo-fi, qui donne à l’ensemble un côté très artisanal. Certes, certains titres ont sans doute souffert du temps passé, comme sur l’étrange affinité de Radio Romance qui ose introduire un saxophone, à l’image de Marquis de Sade, dans sa pop déglinguée. Mais bizarrement, ces morceaux portent en eux un enthousiasme communicatif (comment ne pas résister au rock synthétique d’Ultime atome de Franz Kultur & Les Kramés ?).

Sans doute est-ce lié à l’énergie frénétique et la spontanéité déconcertante de ces groupes dépourvus de la moindre ambition et qui sortaient leurs titres au compte goutte, sans calcul ni plan de carrière (les toulousains Fils de Joie, présents avec le remarquable les plaisirs chers, n’ont par exemple publié que quelques 45T).

Cette sélection très pointue témoigne en tous les cas d’une diversité et d’une richesse sonore indéniable, la preuve qu’il existait bien à cette époque une véritable émulation artistique, et pas seulement à Paris (la province est particulièrement bien représentée dans cette compilation). Et si beaucoup de groupes sont restés inconnus jusqu’à aujourd’hui, c’est qu’ils savaient « faire un pas de côté, se risquer à faire ce que l’époque ne prend pas en compte » comme le disait à propos de l’underground, un certain Jean-François Bizot, fondateur de la revue Actuel dont un article a inspiré le titre de cette compilation. Tout est dit.

Julien Adans

Compilation « Des Jeunes Gens Modernes – Volume 2 »
Label: Born Bad Records
Sortie: 4 mai 2015