Entre Crète et Australie, une improbable mais heureuse rencontre qui impose son énergie et dont la liberté pousse encore un peu les limites déjà bien cabossées de la sphère du rock.
© Manolis Mathioudakis
Pour commencer, plantons le décor. Xylouris White est un duo, composé de George Xylouris et de Jim White. George est crétois, joueur de luth reconnu. Jim n’est pas le folk-singer américain auteur des très beaux Drill a Hole in that Substrate and tell me ou Transnormal Skiperoo. Cet australien d’origine n’est pas non plus un débutant, ayant déjà croisé la route de nombreux artistes tels PJ Harvey (période White Chalk), Smog ou Bonnie ‘Prince’ Billy alors qu’il battait la mesure pour Dirty Three. Will Oldham a d’ailleurs collaboré à Black Peak en signant les harmonies du morceau Erotokritos (Opening).
Leur premier album Goats sorti en 2014 était instrumental et laissait l’auditeur rêveur. La combinaison entre rock et luth était nouvelle à nos oreilles et se révélait séduisante. Bien que ces ballades contemplatives étaient agréables, l’écoute de ce second album montre que cette collaboration entre les 2 artistes n’était alors que balbutiante. Les deux compères ont en effet gravi une très haute marche. La fusion entre tradition et électricité s’est affirmée et affiné. Le morceau Black Peak qui ouvre l’album nous le prouve. Il nous interpelle premièrement par son énergie, mais la batterie de Jim White apparait comme en sourdine, presque retenue. C’est bien la mélodie frénétique du luth qui nous dynamise. George Xylouris crie alors sa solitude dans sa langue natale, et Boum. La grosse claque. Le morceau avance, la fièvre est contagieuse et la batterie se réveille dans un final dantesque. L’énergie méditerranéenne est endurante et notre excitation reste nourrie par Forging, où les mots de Mitsos Stavrakakis viennent appuyer nos sensations (« I feel the earth tremble underfoot »). Hey Musicians ! semble annoncer l’accalmie, mais le morceau avance et le rythme s’accélère de nouveau. La seconde partie de l’album est tout de même plus paisible, et le côté contemplatif de Goats fait son retour dans un folk méditerranéen au tambourin ouaté.
Les pensées chantées par Xylouris sont profondément attachées aux éléments. A la fois « fils du ciel et de la terre » dans the Feast, il vient dans Pretty Kondilies « traverser la mer » à notre rencontre. Et nous sommes vraiment heureux de celle-ci. Il serait intéressant de connaître l’avis des adeptes de musique traditionnelle crétoise, mais du côté des amateurs de rock l’expérience est appréciée et saluée. Depuis sa naissance, les musiciens rock ont su ouvrir leur horizon à d’autres cultures et instruments (prenons l’exemple des Beatles dès 1966 et le sitar de l’album Revolver). Cette collaboration australo-crétoise vient s’ajouter aux multiples expériences sonores qui sont une explication probable au fait que le rock est une musique aujourd’hui encore bien vivante.
Henri Tournant
Xylouris White – Black Peaks
Label : Bella Union
Sortie : 07/10/2016