Sun Kil Moon – Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood

Mark Kozelek, ici sous l’entité Sun Kil Moon, revient avec un nouvel album sans doute encore très clivant… entre le génie et l’ennui.

Mark Kozelek
© Mark Kozelek

Pas sûr que Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood , ce nouveau disque du très (trop ?) prolifique Mark Kozelek  avec Sun Kil Moon changera grand-chose dans cette division qui s’installe entre les fans de l’américain. Ceux qui regrettent son folk plus dépouillé et moins déclamatoire et ceux qui s’enchantent de cette scansion dans la longueur.

Sun Kil Moon - Common As Light And Love Are Red Valleys Of BloodRien de bien nouveau sous le soleil de Mark Kozelek avec Sun Kil Moon. Il revient avec une nouvelle livraison, Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood dans laquelle on retrouve à peu de choses près les mêmes ingrédients que sur les derniers disques du monsieur. Soient des chansons marathoniennes (trop longues pour certains) à la structure alambiquée, aux textes déclamés. On a cette impression que ce qui prime presque désormais dans l’activité musicale de Mark Kozelek, c’est le texte, raconter quelque chose qui relève de l’autofiction.

Ce qui intéresse depuis toujours Mark Kozelek comme je l’ai déjà écrit ici et ailleurs, c’est un rapport à l’ennui. Le problème, c’est que pour pas mal de gens qui écoutent ces disques, ils subissent plus qu’ils n’expérimentent l’ennui. Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood amènera les mêmes réactions, l’ultra-enthousiasme des uns qui se cognera à l’incompréhension ou au rejet des autres. Kozelek procède réellement et de manière volontaire à une démarche de sape de notre patience et de notre concentration. Cela ne peut passer que par un rapport à la durée et au temps. Il n’y a pas de place ici pour des titres plus courts. Pas de place pour des formats radiophoniques, le morceau le plus concis dépasse les 6 minutes. Kozelek tisse lentement une toile pour mieux nous englober. Ce qui est peut-être neuf ici, c’est cette volonté de dissonance que l’on entend dès le premier morceau du premier cd (l’album est divisé en deux parties sur deux CD soit plus de 2 heures de musique). God Bless Ohio avance en boucles  prolongé par le presqu’expérimental Chili Lemon Peanuts.

Plus il vieillit, plus le langage musical de Mark Kozelek se complexifie. Il est loin le temps des Red House Painters où l’on entrait dans une chanson du monsieur et l’on ne voulait plus en sortir avec cette assurance d’y avoir trouvé un refuge. Chez Kozelek, tout est désormais inconfortable, presqu’enlaidi. Prenez ce Phildelphia Cop, Hip Hop sec, parfois limité à un dialogue de Kozelek avec lui-même. Kozelek n’a aucune volonté de plaire, de là à dire que sa démarche est de déplaire, il y a un pas que nous ne franchirons pas mais il est vrai que sa musique est peu commode. On a parfois du mal à le suivre, à accepter ses partis-pris comme ce Lone Star commençant en ballade folk, se brisant en mélopée plaintive arythmique. Les plus frileux iront se réchauffer avec le plus classique Window Sash Weights.

On pense parfois à Lou Reed pour ce même côté mal aimable genre « Vous m’aimez ? Je m’en fous. Vous m’aimez pas ? Cassez-vous, rien à foutre ! ». Mark Kozelek n’a que faire du compromis et du jugement d’autrui. Vous suivez, tant mieux. Vous n’y entendez rien, c’est votre problème, pas le sien. La musique de l’ex Red House Painters est ombrageuse, n’est sûrement pas une matière consommable et oubliable. Pourtant, parfois au détour d’un titre comme ce I love Portugal, on retrouve le Kozelek d’avant, plus présent, finalement pas si loin d’un Mark Eitzel mais il est bien trop mouvant pour nous laisser le figer dans une image passée. De Bastille Day à Vague Rock Song, il travaille les limites entre l’ennui, l’expérimentation et le grand bordel. Il glisse mille et une références, sans lexique pour nous aider à y entrer. Pourquoi mâcher le boulot quand on peut le rendre plus compliqué et éreintant. On ne sait pas toujours où Mark Kozelek veut aller mais le sait-il lui-même ? On est loin, très loin des artistes prévisibles. Si l’on cherche confort et sécurité, sans doute faudra-t-il aller la chercher ailleurs ?

Sans doute vous rappelez-vous ce clip de The Verve, Bitter Sweet Symphony, où l’on voyait Richard Ashcroft bousculer avec indifférence et mépris des passants ? Quand nous écoutons un disque de Sun Kil Moon, quelque part, Mark Kozelek nous place, malgré nous, dans ce rôle de passant malmené, nous portés par des envies masochistes, lui par son indifférence dédaigneuse. Des disques mal dégrossis de mecs peu avenants pour une expérience qui relève du mauvais moment à passer.

Ce disque ne changera rien à la problématique autour de Mark Kozelek, ceux qui n’y comprendront rien et ceux qui crieront au génie. C’est peut-être la seule sécurité que nous offre l’américain mais elle est précieuse.
Ce disque ne changera rien à la problématique autour de Mark Kozelek et c’est peut-être très bien ainsi.

Greg Bod

Sun Kil Moon – Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood
Label : Caldo Verde
Sortie le : 17 février 2017