Dérives en mer du Nord avec Andrew Wasylyk et The Paralian

Tout est parti d’une invitation à une résidence artistique pour l’écossais Andrew Wasylyk pour The Paralian ,son troisième album entre dérives maritimes et réminiscences Soul.

Comme son pseudonyme ne l’indique pas, Andrew Wasylyk (alias Andrew Mitchell) est écossais et sa musique est forcément quelque peu imprégnée des paysages de sa terre natale. Un peu à l’image des Magnetic North ou peut-être plus encore de Solan Goose (2018), le premier effort solo d’Erland Cooper, c’est à une dérive maritime que nous invite Andrew Wasylyk. On aura peine à croire que c’est bien le même musicien qui a écrit Soroky (2015), des ritournelles Pop évoquant Prefab Sprout. Pourtant, déjà avec Themes for Buildings and Spaces, l’écossais avait entamé sa mue pour une Pop qui, aujourd’hui, est plus proche d’un cool Jazz, de l’Ambient ou d’une Soul Neurasthénique.

En 2018, Andrew Wasylyk est invité par le centre d’arts Hospitalfield d’Arbroath pour une résidence artistique, le centre lui confie alors une harpe du 18ème siècle fabriquée par l’illustre facteur Sébastien Erard. L’idée, apprivoiser cet instrument qu’il ne maîtrise pas bien et mettre en musique ses terres écossaises. Il profite de quelques errances bienvenues pour faire des fields recordings (que l’on entend parfois dans le disque) du côté des falaises de Seaton ou encore ce vieux phare de 1811, celui de Bell Rock. Pourtant, jamais ce disque apaisé ne tombe dans une couleur locale réductrice ni un folklore à deux sous. Il s’offre le luxe de citer à l’envie Tony Scott et son Music For Zen Meditation (1964), de vieilles B.O des années 70 comme The Eiger Sanction (1975) de John Williams pour Clint Eastwood.

On pourrait parler aussi de Brian Eno pour des circonvolutions savantes et éthérées ou encore Jon Hassell pour cette même envie à faire se rencontrer des genres et des espaces-temps incongrus.
The Parallian n’est ni vraiment rétrograde, ni vraiment futuriste, ni passéiste. Il est d’une intemporalité impalpable. Ce qu’il est par contre assurément, c’est un photographe minéral et granitique, liquide et venteux. On jurerait ressentir le vent du nord dans cette mer inhospitalière, sentir sur sa peau transie la morsure du sel et de l’iode. On se pincerait presque pour s’assurer que l’on ne rêve pas et pourtant l’on ne dort pas.

Pour rappel, The Paralian en grec comme en anglais, c’est celui qui vit à côté de l’océan. Il est question ici de cormoran, de traversée nocturne, de chant de marinier éteint. Quasi exclusivement instrumental, les dix titres nous bouleversent et nous transportent entre terres fermes et éléments aqueux et mouvants.

Claude Debussy qui est peut-être celui qui a le mieux exprimé l’océan disait :

Il faut que la beauté soit sensible, qu’elle nous procure une jouissance immédiate, qu’elle s’impose ou s’insinue en nous sans que nous ayons aucun effort à faire pour la saisir.

Rien n’est intellectualisé ici, on se laisse aller à une facilité de façade, plongé dans un coton épais et tendre. Il n’y a pas de mal à se faire du bien et pourquoi se refuserait-on à passer à côté des moments simples qui sont toujours les seuls qui comptent ?
En clôture, Adrift Below A Constellation avec sa voix étouffée nous entraîne dans un grand plongeon, une espèce de naissance à l’envers où l’on retournerait au liquide amniotique pour mieux modifier sa conscience et voir enfin avec des yeux neufs.

The Paralian n’est pas seulement un disque ni seulement un voyage dans les terres écossaises, c’est une divagation au fond de soi avec Andrew Wasylyk en guide tout en retenue.

Greg Bod

Andrew Wasylyk – The Paralian
Label : Athens Of The North
Sortie le 01 février 2019