Bob Dylan – Blonde on Blonde : La mutation achevée et réussie de Dylan

En 1966, Dylan vient achever sa mutation. Le petit Folkeux hype de Greenwich Village délaisse sa Folk acoustique, il branche la saturation et endosse le costume plus râpeux du Rockeur. Le premier double-album de l’histoire du Rock, objet tentaculaire aux nombreuses passerelles entre les différents courants musicaux Américains, sera un succès et consacrera – après de nombreuses polémiques et autres concerts perturbés – Bob Dylan au panthéon de la Musique Américaine.

Un putain d’harmonica qui te déchire les tympans, un souffle malhabile qui expulse les plus belles fausses notes que tu aies jamais entendues.
Une voix nasillarde d’adolescent enrhumé. Un rythme, un chant comme un tour de « Grand huit », où tu valdingues dans ton wagon, te cognant un peu partout à chaque accélération, à chaque virage.

En 1965, Bob Dylan décide de se libérer du carcan trop étroit de cette Folk pure et dure, de cette Folk Redneck trop conservatrice et immobile.
Il électrifie son son et balance son Highway 61 Revisited qui pue le Rock à cent lieues, aux oreilles médusées des vieux tenants de la Folk historique et des bobos New-yorkais venus s’encanailler et marcher dans la boue mythique du festoche de Newport.
Après les sifflets haineux des puristes Folk voyant leur idole bifurquer vers le Star System, reniant les racines profondes de l’Americana pour devenir une Pop-Star comme les autres, Dylan s’entoure de quelques musiciens et part en tournée pour rôder son « band » et faire le deuil de son premier « lui ».

Des chansons, il en a plein sa musette (Blonde on Blonde est le premier double-album Rock de l’histoire). Elles débordent de sa gratte et coulent de son harmo’ comme d’une corne d’abondance. Dylan est au sommet de son art, de son inspiration et de sa consommation de drogues en tout genre.
C’est en pleine effervescence créative et épuisé de ces tournées houleuses, qu’il entre en studio en Janvier 66 pour enregistrer le dernier volet de cette trilogie Rock initiée par Bringing It All Back Home.

L’alchimiste Dylan mêle savamment dans ce double-album les styles et les influences qu’il ingurgite depuis des années. Sans se soucier des tenants de la rigidité musicale, des gardiens figés du temple « Folk », Dylan enchaîne Blues teigneux « Chicago style » plein d’électricité et balades sucrées baignant dans cette étrange sensualité 60’s.

De la fanfare de fête foraine de Rainy Day Women # 12 & 35 avec un Bob rigolard lançant son « Everybody must get stoned. » de sa voix fatiguée par les excès.
De la sucrerie Pop I want you douce comme un baiser sur le front, à la cruelle et revancharde berceuse Just like a woman.
Des rugueux Pledging My Time ou Obviously five Believers, Blues virils et râpeux comme un vieux cuir au morceau de bravoure que constitue les onze minutes de la déclaration d’amour faite à sa douce avec la sublime Sad Eyed Lady Of The Lowlands.

C’est un sommet que vient de franchir le jeune Dylan – à peine vingt cinq piges – avec ce « Blonde on Blonde ».
Le petit « Folkeux » porte-parole d’une jeunesse d’après-guerre un peu paumée balance sa gratte sèche aux orties et endosse les oripeaux de la Rock Star.
Dylan frappe un grand coup dans le monde du Rock en le réinventant, en se réinventant.
Il dépasse les clivages, détruit les barrières, mêle et entremêle les différents fils musicaux brodant énergiquement la plus belle des Pop Music.

Album référence, monument Rock, Chef d’oeuvre Pop. Un Dylan se fondant, se diluant à l’image de sa pochette dans ce Rock en mutation et créant le plus beau des flous artistiques.

Renaud ZBN

Bob DylanBlonde on Blonde est sorti le 16 mai 1966 chez Columbia records