[Live Report] Pixies (et Blood Red Shoes !) à l’Olympia : les oreilles qui saignent…

Quelle semaine à l’Olympia de Paris ! Entamée avec la folie torride de King Gizzard, elle se termine avec l’éternel retour de nos héros absolus, Pixies, armés cette fois d’un album qui s’approche des niveaux d’excellence de leur première vie. De quoi, après leur remarquable passage au Zénith en novembre 2016, attendre ce set avec confiance !

Petit bonheur en pénétrant dans la salle, nous ne l’avions pas repéré, mais ce sont nos ex-chouchous de Blood Red Shoes qui officient en première partie. Si le duo n’affiche plus sur disque la flamboyance noisy pop de leurs premières années, c’est un nom qu’on a plaisir à retrouver !

20h : Blood Red Shoes officient désormais en format quatuor, avec l’ajout de claviers et d’une basse (tenue par Ayse Hassan, la remarquable bassiste de Savages), ce qui modifie assez profondément la texture de leur musique… Et la rend sans doute un tantinet plus conventionnelle, plus à même de séduire un public large (ce qu’on ne saurait évidemment leur reprocher après tant d’années d’un succès trop relatif !). Heureusement, alors que le set est composé quasi uniquement de chansons récentes, on retrouve la capacité de Laura-Marie et Steven à écrire et chanter des mélodies accrocheuses, facilement mémorisables, tout en faisant un boucan d’enfer. Laura-Marie, devenue blonde, semble plus souriante que naguère, mais c’est toujours Steven qui communique avec le public – dans un français impeccable – et qui fait le spectacle à la batterie. Les voix restent très belles, sur des rythmiques un peu plus heavy qu’auparavant, et chaque morceau propose son petit moment d’excitation. Le final sur Colours Fade, seul morceau rescapé des débuts, est un parfait tourbillon bruitiste et nous donne très envie de suivre à nouveau ce groupe que nous avons tant aimé et que nous avons laissé un peu tomber… Ils seront de retour à Paris en Novembre…

21h : Le concert des Pixies commence par une relativement longue montée en puissance sur des morceaux de Surfer Rosa et Come On Pilgrim, alors qu’on a connu des sets qui démarraient à fond dès les premières minutes : bon, on ne s’est bien sûr pas faits priés pour hurler « You are the son of a motherfucker ! / You are the son if incestuous union ! » sur Nimrod’s Son, mais il faut ce soir attendre un magnifique Gouge Away pour que se produise la première grande poussée d’adrénaline…

Très peu de lumières, surtout au début du set, ce qui n’arrangera pas les affaires des photographes dans la fosse, mais un son impeccable, avec la guitare de Joe Santiago qui fait saigner nos oreilles d’un bout à l’autre de la soirée. Black Francis a pris un petit coup de vieux en 3 ans, accusant sans doute physiquement le choc de la rupture avec sa femme. Il s’est même laissé pousser un peu les cheveux, comme aux débuts des Pixies, ce qui n’est pas des plus gracieux. Sinon, le quatuor est égal à lui-même, avec Paz Lenchantin en forte contributrice au bon esprit général, grâce à ses sourires et son enthousiasme. Bon, comme d’habitude, il ne se passe rien de particulier sur scène – hormis le rituel numéro de Joe Santiago lors de son solo déstructuré de Vamos, cette fois un solo de guitare joué avec la casquette ! -, aucune communication (même pas un mot, ce qui peut en irriter certains, pas encore habitués au “style Pixies”) jusqu’au salut final, de plus en plus chaleureux par contre… Juste l’enchaînement systématique de quarante (40 !) chansons en deux heures et cinq minutes : Black Francis décide quel morceau sera joué, et après un signe aux musiciens, transmet ses instructions à la console via un micro placé juste devant la batterie !

La première partie du set aligne les morceaux chéris du public, extraits principalement des albums de la première vie du groupe, avec cette fois, pour notre plus grand bonheur, une visite inhabituelle de Bossanova (quel plaisir de réentendre Cecilia Ann, la reprise des Surftones !), provoquant de régulières explosions d’hystérie… même si le public ce soir semble un peu plus calme, car plus “mûr” qu’au Zénith, sans doute du fait du tarif élevé des places. On a quand même droit au formidable titre hardcore radical Saint Nazaire (« Her daddy’s dead and her eyes are black / Smells like spliff and Armagnac / … / She lost her head, but I like her smile ») et aux “deux minutes Paz Lenchantin” sur le psychédélique Los Surfers MuertosWhere is My Mind fait plaisir à toute la salle, mais on ne peut pas s’empêcher de sentir le groupe en pilotage automatique à ce moment-là, et le désormais trop rare Planet of Sound, délicieusement hystérique, rappelle combien Pixies ont été sauvages au XXè siècle…

La vraie surprise de ce concert, c’est de constater qu’au moment où les règles implicites d’une bonne setlist voudraient que le groupe s’emballe et que nous entrions dans un tunnel d’excitation permanente, Black Francis siffle les arrêts de jeux, et nous propose une visite guidée des titres restant de Beneath the Eyrie ! Comme une partie du public n’a visiblement pas écouté l’album, et qu’on est dans un registre musical relativement différent de celui qui a toujours caractérisé le groupe, cette dernière partie du set est assez étonnante. Et confirme (peut-être) que le groupe a (enfin…) décidé de reprendre le fil de son histoire, d’évoluer au lieu de se contenter de jouer éternellement les mêmes chansons – aussi merveilleuses soient-elles – de sa grande période…

On boucle la soirée avec Velouria (elle aussi rarement jouée…) et les hurlements de damnés de Debaser. Pas de rappel, bien entendu, mais nous sortons de là aussi physiquement essorés qu’il se doit après un bon déluge d’électricité quasi ininterrompu en deux heures. Il y en a eu pour tous les goûts, les nostalgiques ont eu droit à la quasi-totalité des titres importants, tandis que ceux qui attendaient une évolution des Pixies ont été séduits.

On n’aurait jamais pensé écrire ça des Pixies en 2019, mais il n’y a guère qu’un seul mot approprié pour conclure : à suivre…

Texte ; Eric Debarnot
Photos : Robert Gil

Les musiciens de Blood Red Shoes sur scène :
Laura-Marie Carter – guitar, vocals
Steven Ansell – drums, vocals
+ Ayse Hassan – bass
+ James Allix – claviers

La setlist du concert de Blood Red Shoes :
Elijah (Get Tragic – 2019)
God Complex (single – 2018)
Mexican Dress (Get Tragic – 2019)
Howl (Get Tragic – 2019)
Eye to Eye (Get Tragic – 2019)
Bangsar (Get Tragic – 2019)
Colours Fade (Fire Like This – 2010)

Les musiciens de Pixies sur scène :
Black Francis – vocals, rhythm guitar
David Lovering – drums
Joey Santiago – lead guitar
Paz Lenchantin – bass guitar, vocals

La setlist du concert de Pixies :
Cactus (Surfer Rosa – 1988)
Break My Body (Surfer Rosa – 1988)
Brick Is Red (Surfer Rosa – 1988)
Nimrod’s Son (Come On Pilgrim – 1987)
Bird of Prey (Beneath the Eyrie – 2019)
The Holiday Song (Come On Pilgrim – 1987)
Motorway to Roswell (Trompe le Monde – 1991)
Gouge Away (Doolittle – 1989)
Cecilia Ann (The Surftones cover) (Bossanova – 1990)
St. Nazaire (Beneath the Eyrie – 2019)
Los Surfers Muertos (Beneath the Eyrie – 2019)
Caribou (Come On Pilgrim – 1987)
I’ve Been Tired (Come On Pilgrim – 1987)
Something Against You (Surfer Rosa – 1988)
Isla de Encanta (Come On Pilgrim – 1987)
On Graveyard Hill (Beneath the Eyrie – 2019)
Monkey Gone to Heaven (Doolittle – 1989)
All the Saints (Head Carrier – 2016)
Wave of Mutilation (UK surf) (Doolittle – 1989)
Death Horizon (Beneath the Eyrie – 2019)
Here Comes Your Man (Doolittle – 1989)
Ana (Bossanova – 1990)
Mr. Grieves (Doolittle – 1989)
Vamos (Surfer Rosa – 1988)
Ready for Love (Beneath the Eyrie – 2019)
Where Is My Mind? (Surfer Rosa – 1988)
Hey (Doolittle – 1989)
Bel Esprit (Head Carrier – 2016)
Bone Machine (Surfer Rosa – 1988)
River Euphrates (Surfer Rosa – 1988)
Planet of Sound (Trompe le Monde – 1991)
This Is My Fate (Beneath the Eyrie – 2019)
Catfish Kate (Beneath the Eyrie – 2019)
In the Arms of Mrs. Mark of Cain (Beneath the Eyrie – 2019)
Havalina (Bossanova – 1990)
Silver Bullet (Beneath the Eyrie – 2019)
Ed Is Dead (Come On Pilgrim – 1987)
Daniel Boone (Beneath the Eyrie – 2019)
Velouria (Bossanova – 1990)
Debaser (Doolittle – 1989)