[Live Report] The Struts au Trianon : mélodies accrocheuses, paillettes, excès et générosité !

The Struts, petit chouchou d’un public parisien en mal de glam rock et nostalgique de Freddy Mercury, a conquis jeudi soir un Trianon littéralement extatique…

Ah, les Struts ! Comment résister à leur glam rock actualisé, à leurs mélodies « atomiques », à leur gouaille ravageuse ? Euh… eh bien il semble que, hormis une (bonne) poignée d’irréductibles gaulois-es (pardon, fans), cette musique généreuse et roborative laisse une grande partie du monde indifférente, justement… Bon, le cœur des fans des Struts bat quand même suffisamment fort pour le groupe pour qu’il faille faire la queue depuis 15h30 pour espérer être placé au premier rang, au centre, devant l’idole des idoles, le flamboyant Luke Spiller… Les fans vont devoir pourtant patienter jusqu’à 20h45, le programme de la soirée annonçant deux premières parties… mais pas n’importe lesquelles !

19 h : Kyle Falconer est une légende outre-manche : le leader de The View, groupe écossais extrêmement populaire en Grande-Bretagne mais relativement ignoré en France, est tout seul sur scène ce soir, avec sa guitare acoustique et sa voix. Heureusement cette voix est assez remarquable pour nous tenir intéressés pendant les courtes 20 minutes de son set : quelque part du côté d’un jeune Rod Stewart, il empoigne des chansons de facture classique avec une fougue qui frôle quelque fois l’expéditif ! Il pousse aussi parfois sa voix trop haut, mais dégage quelque chose de touchant. Son accent à couper au couteau et son débit rapide rendent toute communication entre les morceaux incertaine. A peine terminé le dernier accord de sa dernière chanson, il s’enfuit littéralement ! …et fait étonnant, il a mâché un chewing-gum durant tout son set. La visible – et impressionnante – instabilité de Kyle correspond malheureusement un peu trop avec sa mauvaise réputation, avec ses histoires de drogues, d’alcool et de scandale à bord d’un avion. Son célèbre amour pour les Beatles se matérialisa ce soir avec une reprise de I’ve Just Seen a Face, jouée à 100 à l’heure ! Un drôle de coco, en effet pas dénué d’intérêt, même si on attendra quand même plutôt son retour éventuel avec The View…

19h40 : King Nun est l’un des groupes londoniens qui monte, mais comme on se méfie depuis le temps de la hype anglaise, on attendait pour voir. Et on a vu. Et on a aimé : l’énergie juvénile d’un jeune quatuor qui se donne à fond, un chanteur rouquin survolté, à la voix aigüe, qui se prend tantôt pour Iggy Pop (même si le sang sur le torse nu est remplacé par du marqueur rouge – on ne vit plus la même époque !) et tantôt pour Pete Townshend avec de très beaux sauts en grand écart, une musique à la fois directe et savamment déconstruite, et qui n’évoque – bénédiction ! – pas grand-chose de particulier. 30 minutes qui déménagent, qui sont parfois même très excitantes. Le Trianon monte en température, le groupe se déclare heureux d’être là, « une occasion de sortir de notre foutu pays… », et on veut bien croire à leur sincérité juvénile. Et si, cette fois, la presse anglaise avait raison ?

20h45 : Pour The Struts, la scène a des allures de show à Broadway : estrade, piano blanc, décor doré, on fait clairement dans l’excès. Pourtant, sur scène, il n’y a que le quatuor original, toujours vaillant, même si le succès rencontré par le groupe n’est pas toujours à la mesure de ce que ses débuts tonitruants laissaient présager : « On a vécu de bons moments, on a vécu des moments de merde, mais on est toujours restés The Struts », dira d’ailleurs plus tard Luke Spiller, en nous encourageant à rester toujours fidèles à ce que nous sommes. Luke, Adam, Jed et Gethin ne font pas dans la discrétion, ni le banal quotidien, avec leurs costumes dorés et leurs paillettes, et le premier morceau, Primadonna Like Me, sur lequel le Trianon tout entier explose littéralement de joie, est une parfaite déclaration d’intention pour qui n’aurait – on ne sait jamais – pas encore saisi de quoi il retourne : « Oh, don’t you wanna be a primadonna with me tonight? / Come on, bring it on / Don’t you know it’s all about me tonight? / So come on, try it on / Be a primadonna with me tonight… ».

Si vous étiez trop jeunes pour voir sur scène Slade ou The Sweet, si vous avez même loupé Queen avant que Freddy nous quitte, et Supergrass avant leur séparation (attention, ils reviennent !) The Struts vous permettent de vivre à peu de frais, et dans une atmosphère beaucoup plus festive encore, ces « cheap thrills », dont l’Angleterre reste la meilleure pourvoyeuse. En 1972, on appelait ça dans les magazines du « Rock Décadent », et si Luke avait vécu à l’époque, il aurait fait toutes les couvertures de la presse en alternance avec Bowie et Bolan. Il faut dire, et c’est sans doute ce qui frappe le plus avec les Struts sur scène, c’est combien ce jeune type est beau. Et lumineux. Et charismatique. Et sympathique en plus (ce qui n’était pas forcément le cas de tous les gens nommés plus haut). Bon, il ruisselle de sueur avant même d’avoir entamé le second morceau du set, mais quel regard ! Quel sourire !

L’imparable Body Talk gagne la partie alors que ça ne fait pas dix minutes qu’ils sont sur scène. Sur la gauche de la scène, Jed Elliott, avec son look d’acteur hollywoodien aimante les jeunes femmes, tandis que sur la droite Adam (« la seule guitare » du groupe, comme dira Luke) abat un boulot considérable avec une élégance discrète. Bref, les Struts, c’est aussi sympa pour les yeux que pour les oreilles, même si c’est évidemment l’énorme charisme de Luke qui l’emporte. Pour ceux qui préfère le premier album, Dirty Sexy Money est une sorte de récompense après une première partie de set largement consacrée à YOUNG&DANGEROUS, mais alors qu’on commence à se demander comment le groupe – et le public – va tenir le rythme après un tel démarrage, Luke se met en « mode showman », nous haranguant, un peu à la manière de Pelle chez les Hives : avec moins d’humour néanmoins, mais plus d’empathie et de générosité, Luke est le modèle du musicien qui communique avec ses fans, son sourire lumineux affiché en permanence. C’est ainsi qu’il appelle sur scène celui qu’il déclare admirer depuis toujours, Kyle Falconer, pour reprendre avec lui une version survoltée du tube de The View, Same Jeans… Si l’on ajoute aussi, plus tard, son hommage au public français qui a accueilli très tôt les Struts au début de leur carrière, ses longs remerciements à toute l’équipe technique (petit sketch comique des roadies…), il est clair que Luke est une belle personne (ou alors, pour les cyniques parmi nous, quelqu’un qui sait comment s’y prendre avec son public…).

Reste que le set a marqué le pas, et qu’il est temps de terminer en beauté. Seul au piano, Luke nous interprète un Somebody New très « à la manière de Freddy Mercury », avant la dernière ligne droite, Ashes et Could Have Been Me, extatiques, qui laisseront le Trianon pantelant, épuisé par 1h45 démesure rock’n’rollienne.

On a le droit de trouver tout cela « over the top », pas de très bon goût, manquant de subtilité – particulièrement les passages lyriques, à l’emphase très « Queen » -, mais il est impossible de nier le plaisir que procure un spectacle d’une telle générosité, surtout conduit par un leader aussi exceptionnel que Luke Spiller.

Texte et photos : Eric Debarnot

Les musiciens de The Struts sur scène :
Luke Spiller – vocals, piano
Adam Slack – guitar
Jed Elliott – bass guitar
Gethin Davies – drums

La setlist du concert de The Struts :
Primadonna Like Me (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Body Talks (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Kiss This (Everybody Wants – 2014)
In Love With a Camera (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Fire (Part 1) (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
One Night Only (YOUNG&DANGEROUS (Japan) – 2018)
Dirty Sexy Money (Everybody Wants – 2014)
Tatler Magazine (YOUNG&DANGEROUS – 2018) / The Ol’ Switcheroo (Everybody Wants reissue – 2016)/ Black Swan (Everybody Wants – 2014) / Roll Up (Everybody Wants – 2014)
I Do It So Well (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Mary Go Round (Acoustic) (Everybody Wants reissue – 2016)
Same Jeans (The View cover)
Put Your Money On Me (Everybody Wants – 2014)
Where Did She Go (Everybody Wants – 2014)
Encore:
Somebody New (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Ashes (Part 2) (YOUNG&DANGEROUS – 2018)
Could Have Been Me (Everybody Wants – 2014)