A la découverte des musiques ambient et oniriques de Rinnovare

Cela devient une mauvaise habitude, chaque disque du canadien Rinnovare est toujours une merveille, et Aperturia et Ingràvido, ses deux EP parus au mois d’août ne dérogent pas à cette règle. Restant dans le registre de l’ambient, Rinnovare semble s’extraire de ses matières utérines passées pour enfin se libérer et laisser naître une créature superbe.

Rinnovare

Ce qu’il y a de risqué dans la constance en matière d’art, et plus précisément de musique, c’est qu’elle peut nous installer dans une dangereuse habitude, celle de savoir que peu importe ce que le musicien peut nous proposer, jamais nous ne serons déçus. Il faut avouer que l’on commence à penser que Matteo Neufield qui se cache derrière ce sobriquet à la consonance italienne et qui est en réalité canadien de Colombie Britannique semble être touché par cette malédiction, Tout ce que Rinnovare touche se transforme en or comme un alchimiste amnésique qui aurait délaissé de vieilles formules.

Les deux EP sortis au creux de l’été, Aperturia et Ingràvido touchent au sublime avec des lignes mélodiques et un instrumentarium qui va en s’enrichissant, violon, violoncelle, saxophone qui viennent apporter une perspective nouvelle à ces climats ouatés. On sentait bien les autres productions de Rinnovare bricolées avec minutie et surtout les moyens du bord.

Que de chemin parcouru entre Yellow Coat (2016), Suspended Animation (2019) et ces deux derniers nés. La musique du canadien s’étoffe sans jamais perdre de sa magie originelle, cette forme de fraîcheur première, un peu comme les traits d’un visage adolescent qui se déleste lentement de ses rondeurs enfantines, une grâce et une élégance qui s’élèvent. La musique de Matteo Neufield se déploie, elle vieillit et gagne en maturité (avec lui) ce qu’elle perd en naïveté.

Aperturia et Ingràvido déclinent toutes les nuances que l’on sentait en germes dans les autres disques de Rinnovare, Matteo Neufield plonge parfois du côté d’un Ambient, parfois plus du côté d’un dub doucereux ou encore vers des rives néo-classiques. On sent chez le monsieur un coffre profond qui contient sans doute encore bien des merveilles. On pourrait aisément qualifier sa musique de Dream Pop tant elle nous transporte dans une dimension onirique.Hésitant entre minimalisme et lyrisme, Rinnovare attise notre attention, nous bouleverse et frappe en plein coeur comme une flèche bien ajustée.

Magnifiée par la production de Rafael Anton Irisarri, référence assumée de Matteo Neufield, la musique de Rinnovare tente de nouvelles pistes s’accompagnant ici de cordes (Children Of Light qui évoquera A Winged Victory For The Sullen), là la répétition de motifs électroniques en contrepoint à un piano aérien et ce que l’on croit être des voix lointaines (Entering, Unseen).

Plus sur le terrain de l’Ambient, Ingràvido est aussi plus sombre, plus dans des mouvances grises, plus dans un clair-obscur. Ces deux disques réunis sonnent comme un manifeste. On imagine aisément le canadien nous dire au creux de l’oreille  » Tu pensais m’avoir saisi l’ami, et bien non, je tente encore autre chose et je réussis... ».

Les deux pièces qui forment Ingràvido, Still Fabrication et Familiar Illustration explorent des territoires bien plus cotonneux et bien moins accueillants, un no man’s land de Dark Ambient. On entend ici et là dans sa discographie quelques résonances de Sigur Ros période Kjartan Sveinsson (la meilleure) mais aussi des échos des Cocteau Twins, d’Harold Budd ou encore des réminiscences d’un Shoegazing sans guitare.

Pour vous qui ne connaissez pas encore l’univers de Matteo Neufield et Rinnovare, Aperturia et Ingràvido pourraient être une belle voie d’entrée ou une introduction à sa musique directement apprivoisée.  Deux EP minuscules mais essentiels.

Greg Bod

Rinnovare – Aperturia et Ingravido
Label : Sounds Suspicious
Sortie le 07 et 13 août 2020