Delirium poursuit son exploration des comics américains indépendants et alternatifs. Michel Fiffe brise le mythe du superhéros, Augustus peine à maitriser un pouvoir de métamorphe… âmes sensibles s’abstenir !
Confrontés à un monde brutal et injuste, deux jeunes sont en fuite. Il peine à maitriser un pouvoir surnaturel. Ils s’aiment, leur premier rapport sexuel les transporte, mais contamine Kim. Augustus pourrait être un super héros, sans tenue ni mission salvatrice, s’il parvenait à maîtriser son pouvoir. Soumis à une forte pression, son corps se métamorphose en… body-horror, digne des plus folles créations de David Cronenberg. Contrairement aux mondes aseptisés et normés de Marvel ou de DC Comics, où posséder un super-pouvoir ne crée que des obligations, dans la vie réelle, il génère de la jalousie, de la peur et, au final, une multitude d’ennuis.
La noirceur d’un scénario à la résolution maligne, le caractère outrancier des seconds rôles et la violence des rapports humains rappellent l’univers de William S. Burroughs. Audacieux et sans concession, le dessin en noir et blanc de Michel Fiffe ne laissera personne indifférent. Le trait est dynamique et l’expressivité des visages permettent de réduire les dialogues à leur plus simple expression. Si les proportions de ce travail de jeunesse (2005-2008) sont parfois hasardeuses, l’auteur se lâche dans les déformations des chairs qui explosent, éructent, dégoulinent ou simulent une réalité altérée et effrayante qui contraste avec la simplicité habituelle de son tracé. Pour autant, ces monstrueuses excroissances ne sont jamais gratuites, mais expriment, tour à tour, la peur, une quête existentielle ou l’impossibilité d’une fusion harmonieuse et amoureuse. Manifestement, pour Michel Fiffe, le monde est hostile et l’amour impossible.
Stéphane de Boysson