Réédition de l’unique album du groupe de Longwy, Garbage Collector : 1988… Culte, forcément culte !

Réédition d’un des secrets les mieux gardés de France : l’unique 33 tours de Garbage Collector, un groupe de Longwy qui n’aura pas eu le destin qu’il méritait. Trop arty, trop noise, trop pour la France de 1988.

Garbage-Collector

En 1986, les hauts fourneaux ont cessé leur activité depuis quelques temps déjà, et les émeutes de 1984 ont laissé un goût amer. Le déclin s’annonce brutal pour Longwy. Dans cette ville digne du nord de l’Angleterre, quelques jeunes se trouvent une passion commune à travers  la musique. Les punk’s not dead de No Class ont  leur minute de gloire grâce à la compilation Chaos en France. Le post-punk et la new-wave ont aussi leurs poulains qui se tirent la bourre.

Garbage-Collector Être influencé par le Clash, Stranglers ou Joy Division peut créer un fossé imparable. Pourtant dans l‘underground du « Pays-Haut », des activistes battent le fer en organisant des concerts marqués par l’after-punk. Tous se connaissent et fréquentent le troquet « Chez Mémé », connu pour son jukebox pas trop dégueulasse. Y croiser le photographe Richard Bellia  ù le futur auteur de BD Vincent Vanoli ainsi que les groupes du coin comme La Toyota Fantastique, Fall in Snow, Nux Vomica ou Rocksuckers n’a rien d’étonnant. Ces derniers déclament une aversion pour le rock&roll et deviennent Garbage Collector.

Attiré par les dissonances, les accords chelous et adepte d’une certaine radicalité arty, le groupe se démarque de la scène locale. Début 1987, Stéphane A (guitare), Moh(guitare) et Philippe T (batterie) recrutent Franck D à la basse et au chant, vite secondé par la voix d’Armelle K et les percussions de David S.  Ils optent pour une polyphonie dont chaque titre peut engager plusieurs intervenants. Fortement influencés par les groupes déviants comme Einsturzende Neubauten ou Sonic Youth, les Longoviciens mélangent un son industriel avec des guitares déstructurées. De rares concerts en prise de têtes, le groupe enregistre une démo en 1987 qui aboutit sur des sessions d’enregistrements au studio CCAM à Vandœuvre-lès-Nancy avec François Dietz aux manettes, qui plus tard, collaborera avec Ulan Bator ou Yann Tiersen. Neuf titres trouveront place sur le vinyle, sorti conjointement par deux labels nancéiens : Permis de Construire sur lequel on trouve entre autres Candidate ou Zero Karma et State Of Mind, crées spécialement par leur pote Pierre Ledermann. D’évidence, l’album 1988 est en avance sur son temps et la presse étrangère ne s’y trompe pas. De Maximum Rock’n’Roll aux Usa en passant par la presse spécialisée belge ou encore à travers la plume, excusez du peu, du journaliste anglais John Robb, les critiques sont plutôt bonnes.

En ouverture, le titre éponyme Garbage Collector  est cinglant. La symphonie bruitiste, alliée aux rythmes martiaux, déroule une lave sonore. Cymbales métalliques, guitares en guerre contre l’accordage classique trouvent dans le chant de Franck D un contrepoint parfait. Celui-ci, en anglais, est marqué par une prononciation parfaite et scande ses textes à la manière d’un Colin Newman de Wire. Own Mind et Bloodsucker sont temporisés par la voix douce d’Armelle, en opposition avec celle hardcore de Moh’. La basse, tel un métronome anguleux, joue en suivant les cassures rythmiques alors que les guitares suintent d’effets venimeux. À des milliers de kilomètres, Membranes ou Pussy Galore proposent une approche identique. Ritournelle noisy-pop,Tiny Killer relate un échange entre un enfant qui a massacré sa poupée et son père qui répond par  un  « my son is one of the bitch » cinglant. Alors que Youth Group brûle les cendres ardentes du noise-punk et que Public Enemy, tel un hommage au rap US, adosse les cacophonies vocales aux cataclysmes sonores, Garbage Collector ne trouve pas l’écho souhaité en France. Seule la revue Guitare et Claviers parle d’un son qui annonce les années 90 ! Les concerts sont souvent tendus dixit Franck D : « On a joué avec Wroomble Experience de Nancy pour la sélection du Printemps de Bourges. Sinon avec des groupes punk et garage sans intérêt et qui nous détestaient et surtout un dernier concert fantastique avec les Membranes au Caveau des Dominicains à Nancy. Chaque concert finissait en rixe et les sondiers ont jeté l’éponge ». Las et fourbu, le groupe connait des changements de personnel et lâche l’affaire après un dernier enregistrement en 1990.

Franck D formera Tuscaloosa – un ep chez Lithium Records en 1996 puis un album Comme Une Guerre Froide chez Mediapop en 2015  – et tient la formule définitive au sujet de Garbage Collector : « Je crois que l’amateurisme que nous cultivions en termes de technique pour conserver une certaine fraîcheur énervait certains groupes en santiags, des professionnels de la profession rock et nous étions pour des formations dites alternatives des « petits cons arrogants qui ne savaient pas jouer, pas rock’n roll ». Inutile de préciser que nous avons finis par consolider ce background et en jouer salement… »

Marmillot Mathieu

Garbage Collector – 1988 + démos
Label : Replica Records
Sortie : 27 août 2021