5 + 5 = les disques préférés de Grégory Vieau

Après la sortie de son formidable ouvrage “Une histoire de la presse rock en France”, on a voulu savoir quels étaient les goûts musicaux de Grégory Vieau. Réponse en 10 albums d’hier et d’aujourd’hui… de Stooges à Turnstile.

gregory-vieau

Journaliste indépendant (Arte, Vice Media, Le Parisien, New Noise…) Gregory Vieau a sorti il y a quelques mois un livre sur l’histoire et l’évolution de la presse rock française. Un formidable travail (salué ici) qui s’étale sur plus de 450 pages pour raconter l’histoire tumultueuse de ces nombreuses revues consacrées au rock parues entre les années 60 et aujourd’hui.
En fin connaisseur de la musique rock (mais pas seulement), il ne pouvait pas passer à coté du 5+5 de BENZINE.

5 disques du moment :

Turnstile – Glow On (2021)

Le mot « empowerment » n’a pas beaucoup d’équivalent en français. Peut-être « galvanisé » ? Quoi qu’il en soit, Glow On est un pur disque du genre, de ceux qui donnent autant envie de dévaler dans un mosh pit que de se lever un lundi matin de décembre, pluvieux et sans perspective. Du hardcore bon teint mais pas pédant, avec des riffs XXL et des refrains à renverser un stade.

Slowthai – Tyron (2021)

Je ne vais pas mentir, j’écoute assez peu de rap. Mais quand quelque chose me plait, je fais très vite une fixette dessus. Et c’est le cas avec Slowthai dont j’avais déjà aimé le premier album Nothing Great About Britain. Je ne sais pas si son accent, son espèce de flow à contre-temps, sa bonne tête de lad ou son humour noir très british, mais je ne m’en lasse pas.

Divide and Dissolve – Gas Lit (2021)

Un groupe découvert grâce au magazine New Noise – pour lequel j’écris au passage – et qui m’a tout de suite interpellé. Un mélange de doom, de post-metal avec des passages drone-esques joué par deux australiennes hautement politisées. Un album complètement hypnotique qui s’écoute d’une traite, très fort.

Amenra – De Doorn (2021)

Je reprends le SMS d’un pote à qui j’ai recommandé ce disque : « Passé les quinze premières minutes où on se demande si c’est normal qu’on ait d’un coup très froid et envie de caner, j’ai fait une fixette sur la voix du mec. » Putain, ouais. Colin Van Eeckhout a une voix et une présence phénoménale, encore plus en concert où il se plie, dos au public, à chaque hurlement. Grands frissons garantis.

Great Death – New Hell (2019)

Ne vous fiez pas à cette pochette ou ce nom, Greet Death ne verse pas dans le death ou le thrash. On est plutôt là dans l’indie avec des accents shoegaze voire post-rock. Mais peu importe les étiquettes. Au final, ces trois petits mecs d’une ville paumé du nord des États-Unis (Flint, Michigan, ça parle à quelqu’un ?) ont bâti un monument de spleen, aussi intime que grandiloquent.

5 disques pour toujours :

The Stooges – Fun House (1970)

Voilà l’équivalent musical du monolithe noir de 2001, l’Odyssée de l’espace, mais en 1970. La « Pink Floyd mania » ne fait que débuter et sort ce disque complètement taré, flippant, mené un mec qui se mutile sur scène en hurlant comme un possédé. Ajoutez à ça ces riffs et ce saxo démoniaque (deux mots pourtant pas vraiment fait pour se rencontrer) et vous obtenez cet album indépassable, qui continuera de brûler jusqu’à la fin des temps.

Atlas Sound – Logos (2009)

En 2010, j’habitais une chambre de bonne à Paris où je venais de commencer mes études. C’était l’hiver, je me les gelais, j’étais malheureux en amour et je n’avais aucune idée de ce que j’allais foutre de ma vie. Bref, j’étais mûr pour écouter cet album d’Atlas Sound (aka Bradford Cox de Deerhunter) avec des chansons cotonneuses, pleines de nostalgie avec des paroles à se flinguer : « We’ll die alone together / Die alone together »…

Slowdive – Souvlaki (1993)

C’est grâce aux films de Gregg Araki que j’ai découvert Slowdive. Et depuis, la musique de ce groupe est toujours restée associée aux images de Nowhere, The Doom Generation ou Mysterious Skin. Des couleurs vives, des ados beaux et nihilistes, et la fin du monde au bout du tunnel. Soit peut-être la définition du shoegaze. Et dire que les membres du groupe n’avait que 22 ou 23 ans quand ils ont composé « When The Sun Hits »…

Modest Mouse – The Lonesome Crowded West (1997)

Un album ne devrait généralement pas excéder 40 minutes. Mais il y a des exceptions comme The Lonesome Crowded West et ses 1 h 15 de folie pure. Derrière sa production aride et ses compositions cabossées défilent des histoires de cow-boys alcooliques, de clodos édentés qui parlent avec Dieu et de camionneurs hallucinés. Soit une peinture du Grand Ouest américain par un apôtre de Bukowski – le chanteur-guitariste Isaac Brock – et l’un des grands sommets de l’ère post-grunge.

Deafheaven – Sunbather (2013)

Dans la communauté « trve » du black metal, aimer ce disque vaut excommunication. Ça tombe bien, je n’en ai jamais fait partie. Pire : avant ça, je n’écoutais pratiquement pas de metal. Autant dire que pour moi (et pas que), Deafheaven a servi de passerelle. Il a pris par la main le fan de Slowdive ou de Ride que j’étais pour le conduire vers Immortal et Mayhem. Et ce disque dégage une puissance incroyable en même temps que des sentiments ambigus, entre rage, joie exsangue et détresse.

“Une histoire de la presse rock en France” : la mémoire rock de Gregory Vieau