Après la tournée avortée de Metronomy Fever pour cause de pandémie mondiale surprise, Metronomy et son leader Joseph Mount reviennent apaisés et le coeur léger, nous faire partager un nouvel album épuré. En abandonnant son genre de prédilection – l’Électro-Pop – Metronomy se réinvente en douceur en désossant leur Pop, la mettant à nue en lui ôtant tous ses artifices et s’offre dans une légèreté salvatrice une splendide renaissance. À découvrir.
Il y a peine plus de dix ans que sortait dans la plus grande discrétion – en tout cas au début – ce que beaucoup considère comme l’un des albums majeurs de la Pop made in 2010’s: The English Riviera. Le très confidentiel groupe Anglais Metronomy allait sortir un bijou de Pop solaire où une basse ronde et groovy entrait en conflit avec des nappes de synthé froides et mélancoliques offrant aux oreilles gourmandes des mélomanes du monde entier un album funambule d’un équilibre parfait qui allait ouvrir des pistes inédites dans la jungle épaisse et luxuriante de la Pop mondiale.
Pop, Electro, Sonorités façon varièt 80’s; une basse ronflante pleine de groove enrobant de miel des synthés glacés et des guitares discrètes. Metronomy venait d’assembler dans une alchimie fragile et délicate l’album Pop de ce début de décennie.
Trois ans après, Love Letters prenait le contrepied assumé de la modernité racée d’English Riviera. Le quatrième album des petits gars du Devon naviguait alors tranquillement d’une Pop 60’s cuivrée et mélodieuse à des rythmes disco et funky 70’s jusqu’aux expérimentations Electro des années 80 chères au groupe. Suivront encore deux albums où le groupe de Joseph Mount continuait à faire le job en rabâchant un peu son Electro-Pop, gardant un public acquis à leur Nu-disco mais qui commençait à se lasser de la trop timide évolution d’un groupe pourtant prometteur (trop ?).
Alors avait-on survendu Metronomy ? La Bande à Joe Mount saura-t-elle dépasser son style et sortir de ces sous-genres certes hype mais dont ils semblaient avoir fait le tour ?
Juste après la sortie du très moyen Metronomy Forever, le groupe se prépare pour partir en tournée et patatras ! Covid le dix-neuvième pointe le bout de son nez et contamine une vieille Europe pétrifiée. Metronomy remballe instruments et boites à rythmes et s’enferme, comme tout le continent, à double tour chez lui. Séparé, confiné, effrayé aussi, le Covid vient réinventer l’isolement sanitaire, l’humain, lui, va revoir sa nouvelle réalité face à la solitude. Après le saisissement de la surprise et une fois passée l’incompréhension de la situation, c’est l’heure du bilan pour Metronomy et pour Joe Mount en particulier. Cet isolement qu’il pensait stérile, qui débutait comme une sorte d’abrutissement ouaté à la recherche d’une chose à faire, d’une idée à creuser va petit à petit venir inspirer l’auteur-compositeur-arrangeur et producteur. C’est le recentrage sur soi, le questionnement intime sur une vie qui a ralenti son cours laissant entrevoir les erreurs, les oublis, les renoncements aussi. Ce temps passé à construire son groupe, sa propre gloire, un temps rongé par le travail et les voyages incessants qui ne permet plus de faire le point sur soi, sur ses véritables objectifs de vie.
La peur, les craintes d’un avenir dorénavant lointain, instable, semblent doucement s’évaporer. Doucement, car le premier titre (Life and Death) dissémine doucement des nappes de piano mélancoliques lançant le disque sur le chemin délicat de la crise existentielle (It was fun, what I did/ Got a job, had some kids/See you in the abyss). Mais crise existentielle ne rime pas forcément avec tristesse ou dépression. Le deuxième titre Things will be fine vient égayer ce début « spleenesque » en caressant une jolie Pop toute fraîche, toute rose, comme les Anglais savent la faire. Les deux titres sortis pour annoncer l’album (Things will be fine justement et It’s good to be back) jouent d’ailleurs sur cette renaissance, ce retour à la vie et aux affaires, avec des envolées de Pop aux rythmes syncopées et exotiques ( ces effluves de marinba synthétique sur It’s good to be back notamment ) mais en coin, au fond, derrière cette façade bariolée, ces murs peints de couleurs vives, l’on sent percer l’ironie. Derrière ces titres de chansons « Feel Good », fleurant bon l’espoir et la foi en un avenir radieux, l’amertume et les illusions perdues viennent hanter les textes de Joe Mount.
c’est la traversée bucolique à travers un hiver finissant vers un début de printemps plus serein. Une promenade au milieu d’une nature en effervescence – à l’image de la pochette -, une balade sous les arbres au gré d’une météo changeante alternant le froid et la pluie hivernale ( I Lost My Mind ou l’excellente Loneliness on the run) et le redoux climatique, les pâles rayons d’un soleil renaissant qui viennent réchauffer ta carcasse encore gelée ( les splendides Right on Time et le duo délicat Hold me Tonight avec Dana Margolin du groupe Porridge Radio).
Metronomy valeur sûre d’une Electro-Pop toujours hype et qu’ils maîtrisent sur le bout des doigt, semble pourtant délaisser synthés et boucles électroniques désincarnés pour toucher par la simplicité d’un piano nu, d’une guitare claire la chair même d’une Pop purifiée de ses artifices.
Metronomy, comme le printemps qui explose de sa pochette et semble reléguer l’hiver loin derrière lui, revient d’un long voyage initiatique. Entre une Electro-Pop qu’ils ont contribué à populariser et dont ils ont fait le tour; au milieu d’une pandémie tétanisante qui hypothéquait la base même du métier: La scène, il fallait se réinventer à tout prix.
En épurant leur Pop des gimmicks Electro chers à leur style, Metronomy se recentre sur le coeur de leur genre et se réinvente avec grâce et légèreté. L’hiver est passé, la pandémie aussi (croisons les doigts!), alors pour paraphraser Joe Mount dans une ultime chanson qui sonne comme l’épitaphe ironique et blasée d’une drôle de période: I Have Seen Enough.
Renaud ZBN