« On leur vend des armes… » : l’hypocrisie et le cynisme érigés en système par l’État français

La Revue dessinée, en collaboration avec le site d’investigation Disclose, nous propose un remarquable documentaire sur les ventes d’armes par la France. Nos médias célèbrent les contrats de Rafale ou de Caesar, sans être trop regardants sur l’usage que les clients en font.

On leur vend des armes - La Revue dessinée / Disclose
© 2022 La Revue dessinée/Disclose

Le général de Gaulle s’est battu pour l’indépendance politique de la France, un combat qui passa, notamment, par son indépendance militaire. Il s’attela à bâtir une industrie de pointe. Or, très vite, nos industriels imposèrent l’idée que les commandes françaises ne suffiraient pas à amortir leurs coûts, et qu’ils devaient exporter. Le hic, c’était que, non seulement les USA et l’URSS imposaient à leurs vassaux de se fournir chez eux, le prix de leur protection, mais, produits en très grandes séries, leurs matériels étaient bradés au reste du monde. Les France se trouva contrainte de négocier avec des États parias inquiets pour leur sécurité, et donc prêts à payer le prix fort. Nous avons vendu à l’Israël des années1950 et 1960, puis à l’Espagne franquiste, à l’Afrique du sud de l’apartheid, à l’Argentine des généraux, à la Lybie de Kadhafi ou à l’Irak de Saddam Hussein, une belle brochette de tyrans ! La France est aujourd’hui, loin derrière les deux grands, le troisième vendeur d’armes.

On leur vend des armes - La Revue dessinée / DiscloseAprès tout, on pourrait évoquer la raison d’État si, soucieux de leur respectabilité d’élus du pays des « droits de l’homme », nos politiques n’avaient promis, la main sur le cœur, de ne plus vendre à des crapules et de respecter le droit international. Le TCA (Traité sur le Commerce des Armes de 2013) interdit la vente si les clients sont suspectés de crimes de guerre. Le principe est clair, la France interdit à ses industriels les exportations d’armes…. sauf si l’État les y autorise. Le système est censé être « robuste et transparent ». Or la commission interministérielle qui gère les fameuses autorisations s’est révélée fort discrète et parfaitement injoignable.

La bande dessinée peut tout. Elle sait détendre, faire rire ou rêver. Elle sait aussi expliquer et éduquer. Les auteurs ont interviewé lanceurs d’alertes et journalistes. Ils leur donnent la parole et mettent des images sur des notions complexes ou des situations dramatiques. Bien manié, le dessin permet la schématisation ou une bienvenue mise à distance.

Ainsi, au fil des pages, nous apprenons que des ONG enquêtent depuis des années en Palestine et au Yemen, afin de prouver que nos armes y ont tué des civils. La chose n’est pas aisée, mais les premières procédures ont été lancées. Nous apprenons que la lutte contre le terrorisme permet à l’État égyptien d’exécuter, sans autre forme de procès mais grâce aux nos systèmes d’observation, de simples contrebandiers. Mieux encore, nous découvrons que nos industriels ont contribué à moderniser les chars et les avions russes, et ce jusqu’à la veille du conflit actuel… Une lecture de salubrité publique.

Stéphane de Boysson

« On leur vend des armes… et le pire c’est qu’ils s’en servent »
Scénario : collectif
Dessin : Cyril Elophe, M. LeRouge, Vincent Mahé, Jean-Christophe Mazurie, Vincent Sorel et Cédric Villain
Éditeur : La Revue dessinée / Disclose
162 pages – 18 €
Parution : 15 septembre 2022

« On leur vend des armes… » — Extrait :

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