Bastien Keb – Organ Recital : Recital pour faune urbaine

Certains albums s’installent dans la durée, comme des évidences. Le très cinématique Organ Recital de Bastien Keb pourrait bien être de ceux-là. En tout cas il est déjà la bande son parfaite pour nos jours les plus mélancoliques.

Bastien-Keb

 

Le Britannique Bastien Keb est musicien multi-instrumentiste (ça se sent), producteur et arrangeur (ça s’entend) . Son album Organ recital s’inscrit dans les propositions éminemment filmiques de la musique, où boîte à rythmes, voix, beatboxes et instrument classiques se croisent en un tableau impressionniste influencé par le quotidien : dialogues, murmures, véhicule de police ou de pompiers passant au loin).

Bastien Keb -En 15 titres assez sombres (oserais-je « éthérés » si le terme n’était à ce point galvaudé) il propose une bande son parfaite pour les jours mélancoliques : bon ok l’album est paru en plein milieu des mois les plus chauds de l’année 2022.

Il y a une impression de profondeur de champs, de scène dans les morceaux de Keb qui mélangent allègrement inspiration trip hop, soul, pop et funk. La bande son improbable d’un mean streets de 2022, où l’on croise un poil de tristesse, un peu de la faune interlope, Shaft et des alarmes de voitures ou des bribes de paroles à la sonorité mélodique. Keb a peaufiné la promesse sonore globale de chaque titre.

Enormément de détails ne se donnent pas à la première écoute et pourtant concourent à la grande réussit du disque. Aussi mélodique que celle qui filtre au travers des casques quand on passe dans une rue animée vespérale, les écouteurs sur les oreilles.

L’album garde sans doute quelques chose des nuits de Londres et de Sommerset dans lesquelles Keb a mixé l’album alors qu’il était gardien de nuit en entrepôts. Riche de ses titres chantés rapidement « retenables », il bluffe pourtant essentiellement pour la qualité du travail du son et des arrangements qui font intervenir la guitare, la harpe, le violon, le violoncelle, les sons d’ambiance. Pour le petit monde condensé qu’il propose et ouvre comme un livre pop-up

Objet simple et d’une magnétique beauté classique, où pourtant aucun titre ne reprend la méthode du précédent, il s’en est venu hanter régulièrement mon lecteur depuis le mois de septembre.

Pour les plus vieux, d’entre les lecteurs de cette critique, on dira qu’on retrouve quelque chose de la démarche de David Holmes dans Let’s get killed la mode jungle en moins, ou de Archive sur Londinium. Un peu de Madlib, une pointe de RZA….

Quelque chose des longs road movies où un protagoniste après avoir erré dans une ville de nuit, pleine de flares à l’écran et de contre jour pas net en arrière plan, grimpe dans un bus gris qui doit l’emmener pour une autre vie aux confins du pays. Presque filmé par Wenders genre.

Album d’atmosphère, bande son pour un film de nuit Organ recital est un grand disque discret et beau. En dire plus serait trop en dire.

4 étoiles

Denis Verloes

Bastien Keb – Organ Recital
Label : Gearbox records
Sortie le 22 juillet 2022