« Je crois que j’ai tué ma femme » de Frasse Mikardsson

Frasse Mikardsson médecin légiste suédois, résidant désormais en France, décrit dans ce polar l’enquête à laquelle il a participé sur la mort d’une jeune femme kurde, assassinée par son mari dans la région de Stockholm.

Frasse-Mikardsson

Frasse Mikardsson, médecin légiste lui-même, nous ramène dans la région de Stockholm, à Märsta non loin de Sigtuna, là où il avait situé l’énigme de son précédent roman, Autopsie pastorale, pour raconter l’histoire bien réelle d’un meurtre horrible dont il a dû assumer les analyses légales. Son histoire est donc parfaitement exacte, elle comporte de très nombreux documents issus du dossier officiel de l’affaire : comptes-rendus d’interrogatoires, textes de SMS récoltés par la police, extraits de divers procès-verbaux…, tout en évitant les pièces qui pourraient nuire à l’anonymat des protagonistes ne figurant pas officiellement dans le dossier. « Tu t’apprêtes à lire une histoire inspirée de faits réels. Auteur de ce récit, je suis moi-même le médecin légiste qui s’est déplacé sur les lieux du crime pour examiner le corps de la victime… ». Ce livre n’aura aucune incidence sur les suites de cette affaire, toutes les possibilités de recours ont été épuisées et le coupable est définitivement condamné.

je-crois-que-jai-tue-ma-femmeOrhan, Kurde émigré en Suède où il ne travaille qu’à quart temps à la suite d’une invalidité, appelle successivement ses deux sœurs puis la police pour confesser le meurtre de sa femme. « J’ai blessé, j’ai tué ma femme ». C’est Sara, jeune stagiaire auprès du service de médecine légale, qui est chargée des premières constations puis des analyses en laboratoire. Elle confirme la culpabilité probable du mari et éprouve, à son endroit, une réelle aversion. En introduisant de nombreux documents issus directement du dossier de l’affaire, Mikardsson raconte alors le déroulement de l’enquête, l’avis des divers intervenants œuvrant dans la police, la justice ou la médecine. Bien que la culpabilité du mari paraisse évidente, certains éléments de l’enquête peuvent infirmer celle-ci et récuser la préméditation. L’essentiel de l’ouvrage n’étant pas spécialement de démontrer cette culpabilité mais plutôt d’exposer le déroulement de l’enquête tout en soulevant d’autres questions.

En effet, cette enquête provoque un certain nombre de débats au sein des institutions impliquées. L’affaire concernant un couple kurde, marié en Turquie dans une région où les coutumes ancestrales sont encore très fortement respectées, la thèse du crime d’honneur pourrait être évoquée, le mari, ou une autre personne, aurait puni l’épouse d’avoir salit l’honneur de la famille en ne respectant pas les coutumes vestimentaires imposées aux femmes. Cette hypothèse induit immédiatement un débat sur la flot de migrants se déversant en Suède avec leur misère, leur culture, leur dépaysement, leur difficulté d’insertion, leurs us et coutumes et leurs traumatismes. La question de la sécurité est elle aussi débattue, notamment celle des femmes en situation difficile dans leur couple, sont-elles suffisamment protégées ? La culture d’origine est-elle acceptable en Suède ?

En racontant cette histoire réelle, l’auteur, protagoniste du dossier, montre tout le travail effectué par la médecine légale pour découvrir la vérité et ainsi rendre hommage à la victime et son honneur à la famille. Il dénonce aussi le manque de moyens accordés à ceux qui sont chargés de la sécurité des citoyens au détriment d’une politique de paperasserie, de statistiques et de discours puériles sur la meilleure façon de « genrer » la société. A ce sujet, j’ai même senti comme une pointe d’ironie dans le débat sur la nécessité de répartir les morts en fonction de leur genre. La Suède est souvent citée comme un modèle social qui, hélas, comporte-lui aussi des failles quand on le regarde plus près comme un écrivain suédois qui a passé un bon bout de temps à rechercher la vérité en examinant les cadavres avec la plus grande minutie. Le diable se cache dans les détails, c’est bien connu…

Le vice et la vertu n’ont pas de patrie, ils voyagent au gré des épreuves que les humains de toutes origines peuvent rencontrer au cours de leur vie. L’auteur l’a bien compris en situant son récit entre les déclarations tonitruantes de Trump à propos d’un attentat qui n’a pas encore eu lieu et cet ignoble attentat que les Suédois ont dû subir juste après cette affaire.

Denis Billamboz

Je crois que j’ai tué ma femme
Roman suédois de Frasse Mikardsson
Éditeur ‏ : ‎ Editions de l’Aube
336 pages – 18,50€
Date de parution : 20 octobre 2022