Deuxième salve de touristes du complexe hôtelier The White Lotus, cette fois- ci en Sicile : on n’en attendait pas grand chose, et pourtant, la série réussit brillamment à être réjouissante et fine, misant sur une galerie plus resserrée de personnages complexes et attachants.
En démarrant cette nouvelle saison, inédite dans son lieu et ses protagonistes, on gardait à l’esprit une première The White Lotus fielleuse dans sa description de gens fortunés et désespérés, empêtrés dans des affaires de cul et de fric assez superficiels, menés avec un entrain assez réjouissant mais aussi grossier. Le résultat était néanmoins regardable, à la fois fascinant et un peu répulsif, mais sans véritable enjeu.
Cette fois-ci, dès les premiers épisodes, le propos est tout autre : les personnages sont un peu plus réduits, les enjeux aussi du coup. On suit deux couples d’amis, l’un riche et superficiel qui a offert ce voyage sicilien à l’autre, s’interrogeant sur les raisons d’un tel cadeau. On suit également un père, son fils et son petit-fils venus retrouver des racines familiales ancestrales sans trop savoir comment procéder, et une vieille fortunée, déjà présente dans le premier volet, accompagné de son mari pour une lune de miel-anniversaire, embarquant avec elle son assistante. Premier constat : on n’est plus dans un vase clos de riches et vaniteux, seulement obsédés par des problèmes de riches. S’esquisse même une délicieuse lutte des classes en fond scénaristique, quand vient se mêler à ces touristes américains les locaux, entre une jeune pute à hôtels qui veut initier sa pote rêvant juste de faire carrière dans la chanson, et une directrice d’hôtel, énervée et énervante, qui a du mal à gérer sa solitude et son homosexualité refoulée.
Point de départ de la saison, comme pour la première : un mort retrouvé noyé, et la série repart une semaine avant, afin de découvrir de qui il s’agit et la raison de son décès. Entre temps, on aura toute la déliquescence de ces personnages qui ne seront plus les mêmes avant et après leur séjour dans la sublime ville-baie de Taormine. Enjeux de pouvoir, de sexe, de secrets familiaux, laminés par des déboires psychologiques et des désirs sombres ou inavoués, c’est encore une fois réjouissant de voir les comédiennes et comédiens s’en donner à cœur joie dans ce lent jeu de massacre au soleil sicilien ; par ailleurs – et c’est une vraie joie, tout se fait de manière beaucoup plus fine et classe qu’avant, donnant enfin une vraie perfidie et cruauté à ce qui se trame sous nos yeux.
Autre vrai personnage de The White Lotus 2 : la Sicile. La série n’hésite jamais à jouer à fond la carte de tous les clichés, les assumant à mort (bouffe, gens qui parlent fort, tubes italiens glamour, balade en Vespa et demeures Renaissance incroyables) puisqu’on circonscrit les touristes dans ce qu’ils attendent de ce pays qu’ils sont venus découvrir et surtout en jouir. En ce sens, les derniers épisodes qui font s’effondrer toutes les croyances, toutes les beautés (géographiques, artistiques) et qui mettent en exergue des desseins terribles sont géniaux, soulignant en une réalisation presque excessive, totalement baroque, la vacuité des existences ou des problèmes que l’on se cherche ou qu’on se crée pour rien.
Le casting est encore une fois parfait (Jennifer Coolidge qu’on retrouve toujours avec plaisir), F. Murray Abraham, Michael Imperioli (des Sopranos) ou Audrey Plaza (de Parks & Rec)… tous sont au diapason, pions amerloques jetés entre yachts de luxe, airs d’opéra dans des hôtels particuliers vétustes, plages à gelatos dégoulinantes et proseccos amers. Ça s’aime, ça se déchire, ça tue dans une réalisation solaire mais aussi angoissante, perverse et savoureuse également, un peu à la manière de Big Little Lies…
Très jolie surprise, tel un bonbon acidulé de fin d’année, qui s’avère beaucoup plus excitante et pernicieuse que ce qu’on pouvait espérer. Grazie mille…
Jean-françois Lahorgue