[Live Report] Et Morrissey enflamma le Palais des Congrès de Strasbourg

Ce 13 mars 2023, on a pu voir au Palais des Congrès de Strasbourg, un Steven Patrick Morrissey bien en verve, visiblement heureux d’être sur scène et un brin taquin, interpréter un best-of de sa carrière, accompagné de son fidèle lieutenant et compositeur Alain Whyte.

Morrissey Strasbourg
© Carl NEYROUD / Deadly Sexy Carl

Le Palais des Congrès de Strasbourg n’a rien de sexy. C’est plutôt le genre d’endroit qui célèbre les espaces inutiles.  Mais ce lundi soir, Morrissey est dans la place et son portrait s’affiche sur de nombreux t-shirts tout comme les marques Fred Perry et Lonsdale. Sans parler du stand de merchandising ou les disques vinyles dédicacés sont proposés à 250 euros. Y’a pas de petit business. Après une série de scopitones et vidéos diffusés sur l’écran géant où l’on y croise les Sex Pistols, Vince Taylor ou les scandaleux New York Dolls, les fans hardcore ne tardent pas à se lever pour occuper le devant de la scène. Morrissey ne devrait plus tarder.  Et c’est avec Alma Matters (1997) enchainé à I Wish You Lonely (2017) que le gang du Mozz débute le quatrième concert de la tournée française.

Le son est massif, la basse lourde et les guitares sont omniprésentes mais la voix de Morrissey reste en avant et enveloppe la salle d’une grâce toute particulière.  A 63 ans, le Californien d’adoption chante parfaitement et habite ses chansons. Il faudra attendre huit minutes pour entendre la première reprise de The Smiths. Accueilli comme il se doit, Stop Me If You Think You’ve Heard This One Before (1987) de l’album Strangeways, Here We Come, brille par son épatante limpidité. Du coup Irish Blood, English Heart (2004) qui suit, s’en sort plutôt bien avec son refrain entêtant aidé par une conviction d’interprétation qui force le respect.

Morrissey vit ses chansons à fond, les théâtralise avec convictions. Tout le long du concert, des photos ou videos accompagnent chaque titre. Un manifestant gilet jaune aux Champs Élysées sert de visuel à I’m Throwing My Arms Around Paris (2009). Cette pop song contraste avec la puissance du visuel et démontre toute l’empathie qu’exprime Morrissey pour les mouvements sociaux populaires. L’interprétation reste quelque peu confuse et on peut regretter le manque de subtilité que méritait ce titre.  Jim Jim Falls (2020) présente un aspect moins classique de Morrissey grâce à des effluves électroniques parfaitement maitrisées par Gustavo Manzur.  Quelques cabotinages sur les téléphones annoncent l’inédit Sure Enough, the Telephone Rings.

L’influence glam est évidente, Morrissey se montre à l’aise dans un registre plus basique avec ce titre qui donne l’impression d’être une redite mille fois entendue.  Et c’est avec un impeccable Let Me Kiss You (2004), parfaitement joué par les deux guitaristes Alain Whyte et Jesse Tobias, qui nous raccorde avec la sensibilité du chanteur. Aux premières notes de Girlfriend in a Coma (1987), second titre du répertoire de The Smiths, l’assemblée semble hypnotisée tant l’interprétation est juste, sans débordements inutiles. Morrissey est en état de grâce. Un nouvel inédit qui commence comme un titre de Stevie Wonder, The Night Pop Dropped convoque piano électrique pour un groove assez 70’s. Passée la surprise, la composition reste banale mais correcte. Qu‘Everyday Is Like Sunday (1988) va vite faire oublier. La mélodie si mélancolique est transcendée par un Morrissey repris par l’audience. Quelques mots sur l’Espagne, et des vidéos sanguinolentes de mise à mort de taureaux sont projetées. The Bullfighter Dies (2014) est une composition aux guitares carillonnantes mais qui passe au second plan, du fait des images insoutenables de cruauté. Et lorsque les toréros se font embrocher, une clameur se lève, répondant aux Olé de Morrissey. Puis le groove méthodique de la basse de Juan Galeano Torro s’empare d’Istanbul (2014), unique titre un tant soit peu hypnotique. Soit l’inverse de The Loop (1991), face B du 45t  Sing Your Life, qui prouve que le groupe n’est jamais aussi bon que lorsqu’il joue plus rockab’. La cohésion y est parfaite avec le chanteur. Knockabout World (2020) pâtit d’un son trop lourd pour arriver à décoller malgré les efforts de Morrissey et la qualité du refrain.

 

Morrissey Strasbourg
© Deadly Sexy Carl

Puis Mozz fait la pub pour un studio d’enregistrement de Saint Rémy en Provence, lieu qu’il a fort apprécié lors de son dernier enregistrement.  Issu de ces sessions, l’inédit Without Music the World Dies renoue avec une rythmique binaire et son mini solo est parfaitement réalisé par Brendan Buckley. Les arrangements, très référencés, sauvent le titre qui trouve son efficacité en concert. Dès que résonne Please, Please, Please Let Me Get What I Want (1984), les fans de The Smiths reprennent les paroles comme un seul homme. L’interprétation est fidèle, sans être loin du recueillement, dont l’enchaînement avec Half a Person (1987) un autre titre de The Smiths, va ravir les puristes. Les New York Dolls apparaissent en projection, collant à la face B du 45t Shoplifters of the World Unite de bien belle manière. Habitué à terminer ses concerts avec un Jack the Ripper (1992) de fin du monde, la voix se perd dans des effets assez réussis. Le seul rappel verra, contrairement au concert de la veille à Lyon dixit un Morrissey provocateur, une prise d’assaut de la scène par les fans.  Aux notes de Suedehead (1988) Morrissey esquive quelques sourires de satisfaction, bat le rythme et laisse filer la chanson faire son œuvre. Exhibant un 33T du Petit Prince qu’il reçut en cadeau, Morrissey s’éclipse. Le service d’ordre peut être tranquille, il ne reviendra plus.

Texte : Mathieu Marmillot
Photos :  Carl NEYROUD / Deadly Sexy Carl