« Voyous », de Doug Johnstone : Un très bon polar qui se lit d’une traite

Voyous est quand même le 10ᵉ romans de Doug Johnsone publié en anglais, et seulement le premier traduit en français. Surprenant, quand on connaît la (bonne et justifiée) réputation que cet écrivain écossais a outre-manche, et encore plus surprenant quand on lit ce qu’il a écrit : c’est très, très bon !

Doug Johnstone
© Duncan McGlynn

Doug Johnstone sait écrire des romans, entre le noir et le polar, qu’on lit d’une traite une seule, pris dans l’engrenage de l’histoire et par l’affection (ou l’antipathie) que l’on éprouve pour les personnages. Et pourtant, on a un peu l’impression que ces histoires que raconte Doug Johnstone sont carrément impossibles, le genre de choses qui n’arrivent jamais, en tout cas jamais toutes ensemble comme ça, avec ce tel enchaînement – jamais ? Peut-être pas, après tout, qui sait ce qui peut se passer comme événement soudain et terrible qui plonge votre vie dans un tourbillon cauchemardesque ? Et qui sait, à ce moment-là, comment vous allez réagir ? Et c’est exactement ce que Doug Johnstone déclarait, dans un interview à The Scotsman, vouloir faire dans ses romans : mettre des gens ordinaires dans des situations extraordinaires et horribles, pour comprendre comment ils vont réagir, et savoir ce que ces réactions révèlent de leur caractère. C’est ça la vie, d’ailleurs, avoir à prendre des décisions en une demi-seconde, dans des moments de stress intense, et avoir à assumer les conséquences…

Voyous, Doug Johnstone Ici, c’est un cambriolage qui tourne mal, mais alors vraiment mal. Nous sommes à Édimbourg, un quartier franchement défavorisé, des vies détruites par la pauvreté et la misère (et aussi par l’alcool et la drogue). Tyler, son demi-frère Barry et sa demi-sœur Kelly braquent des maisons vides pour se faire de l’argent. Barry et Kelly sont trop défoncés pour espérer (ou vouloir) travailler. Tyler est trop jeune. Et leur mère, Angela, a perdu pied depuis trop longtemps pour les aider. Et puis un soir, le fameux événement qui fait tout dérailler, la demi-seconde où tout peut basculer du bon côté. Ou pas. Et ici, c’est du mauvais côté que ça bascule. Barry prend la mauvaise décision, vraiment mauvaise. Le choix le pire qu’il pouvait faire. Et à chacune des autres décisions qu’il devra prendre, Barry s’enferre, et s’enlise jusqu’au bouquet final ! Et il entraîne les autres avec lui. Il est comme ça Barry, il aime bien se prendre pour un caïd, pour un chef. Il commande. Il fait des conneries, mais les autres doivent suivre. Il va résoudre les problèmes… Évidemment, il ne résout rien. Celui qui résout les problèmes, c’est Tyler. Le personnage principal du roman. Un bon gars, avec du bon sens et pas bête du tout, cambrioleur par désœuvrement plutôt que par malice. Il ne boit pas, ne se drogue pas, et a un cœur gros comme ça ! Il s’occupe (beaucoup et bien) de sa petite sœur Bethany et (quand il faut) d’Angela et va à l’école quand il peut. Tyler, on l’aime bien tout de suite. Et on a envie qu’il ne lui arrive que du bien.

Il serait faux de croire que les choses basculent à un moment précis, que tout tient dans ce moment où Barry peut prendre la bonne ou la mauvaise décision. Cette demi-seconde s’inscrit dans une histoire ; la tragédie est là, en germe, depuis des années et ne demande qu’à éclater. Que Barry fasse ce qu’il n’aurait jamais dû faire n’est pas une surprise. Et qu’il réagisse de la manière dont il le fait par la suite, ne faisant qu’aggraver la situation, n’est pas une surprise non plus. Et ce n’est toujours pas une surprise que Tyler, lui, prenne les bonnes décisions. C’est un bon gars. Il n’est pas bête du tout, Tyler. Et puis il est pas mal aidé par le destin, en l’occurrence un écrivain bienveillant, qui lui offre des portes de sorties (mais, c’est vrai, il n’est pas obligé de les prendre).

On suit Tyler et Bean, le cœur serré. Ce qui leur arrive est à la fois rocambolesque et attendu. Mais on les suit, sans problème, comme on suit des super-héros dotés de pouvoir ridicules dont le bon sens nous dit de ne pas les croire. On marche. Le style est assez sobre, efficace, dynamique ; l’histoire découpée comme une excellente série britannique, pas de temps mort, pas de moment de répit, pas d’attente. On court derrière ces personnages. Des premières lignes (oui, vraiment) aux dernières, qui arrivent vite finalement. 300 pages qui passent en un moment. Alors, prenez la bonne décision : lisez-ce livre.

Alain Marciano

Voyous
Roman policier de Doug Johnstone
traduit de l’anglais (Écosse) par Marc Amfreville
Editeur : Métailié
320 pages, 22,5 €
Parution : 7 avril 2023