« Fermer les yeux » de Victor Erice : le retour à moitié convaincant d’un grand cinéaste ibère.

Entre écriture et montage convaincants et manque d’ambition formelle, le nouveau long d’Erice après une très longue absence est une semi-déception.

fermer les yeux photo
Copyright Manolo Pavón

Il est difficile de donner un avis tranché sur Fermer les yeux. D’un côté, un film fonctionnant impeccablement d’un point de vue scénaristique et légitimant sa longue durée approchant les 3 heures (prendre son temps pour ranimer le souvenir). De l’autre, une réelle déception en terme de mise en scène pour un film marquant le retour au format long après plus de trois décennies d’absence d’un maître espagnol : Victor Erice, dont les trois premiers longs furent des réussites majeures. En particulier L’Esprit de la Ruche, superbe film fantastique autour du franquisme avec Ana Cria Cuervos Torrent (également présente ici) et tenu en haute estime par Amenabar et Del Toro.

cerrar los ojos afficheFermer les yeux s’ouvre donc sur un extrait de film inachevé. Et qui débute un jeu de piste vonsternbergien qui se poursuivra le long du film (la fille exécutant un Shanghai Gesture, plus tard suivie de la mention d’une Maria une lettre de plus que la fille de Marlène Rivas et d’un personnage nommé Lola). Au cours du tournage, l’acteur Julio Arenas disparaît. Bien que son corps ne soit pas retrouvé par la police, il est considéré comme mort. Plusieurs années plus tard, une émission revient sur ce mystère, avec la participation de celui qui a tourné les dernières scènes d’Arenas : Miguel Garay, de passage à Madrid pour le programme. La première partie du film va alors fonctionner comme une enquête sur un disparu au charme mondianesque. Il est tout autant question de revisiter la naissance d’une amitié, le souvenir du franquisme, celui d’une ambition avortée de cinéaste ou d’un bref succès littéraire que de recroiser un technicien de cinéma entreposant des copies argentiques. Le souvenir est charrié par une dédicace trouvée sur un bouquin, une mélodie jouée au piano… Et grande sera pour certains la tentation de fabriquer un scénario de Film Noir pour décrire la disparition. Tentation d’imaginer ce qui s’est passé à laquelle bien sûr ne résistera pas Miguel.

Le récit aurait pu s’arrêter à ce périple madrilène, il se prolongera une fois Miguel rentré à la maison. Sans trop en dire, on peut évoquer une scène rejouant de façon inspirée le passage chanté de Rio Bravo. Et surtout, toujours, le désir de prendre son temps pour ranimer le souvenir. Pour arriver sur une fin sentant au départ la déclaration d’amour au cinéma lourdaude façon Cinéma Paradiso avant de trouver son salut dans un superbe plan final. Hélas, si le film est plus plaisant à suivre que bien des films plus courts vus cette année, il souffre d’une ambition formelle de téléfilm. Retour en demi-teinte donc.

Ordell Robbie.

Fermer les yeux (Cerrar los Ojos)
Film espagnol, argentin de Victor Erice
Avec : José Coronado, Ana Torrent…
Genre : drame
Durée : 2h 49min
Date de sortie en salles : 16 août 2023