Prix Livre Inter 2024 : Comment et pourquoi tenter d’être dans le jury ?

Eva Bettan a lancé jeudi  1er février le 50ᵉ prix du livre Inter pour 2024, présidé cette année par Elisabeth Huppert. Vous avez jusqu’au 7 mars pour faire acte de candidature. J’ai eu la chance d’être sélectionné comme juré en 2021, je vous raconte tout !

Le 2 avril 2021 en fin d’après-midi, un numéro anonyme s’est affiché sur mon smartphone, j’ai décroché puis j’ai entendu une voix, reconnaissable entre toutes, celle d’Eva Bettan m’annonçant que j’avais été sélectionné pour faire partie du jury du Livre Inter 2021. La terre ne pouvait alors plus me porter. J’avais le 06 et le mail perso de la critique, légende vivante de France-Inter. Pour être tout à fait honnête, j’attendais un coup de téléphone, car la liste des jurés avait été annoncée pendant le journal de la mi-journée et des amis avaient entendu mon nom. Qu’avais-je fait pour en arriver là ? Quelle inoubliable expérience humaine de lecteur ai-je alors vécu ?

Tout d’abord comment ça marche ?

24 jurés sont sélectionnés dans la France entière (avec un peu plus de 8000 candidatures) : 12 femmes et 12 hommes. Il semble qu’il y ait plus de candidatures féminines que masculines et une sélection géographique doit s’opérer. La probabilité que vous soyez retenu est plus grande si vous êtes un grand lecteur qui vit en Haute-Loire qu’une lectrice assidue en région parisienne. Mais n’oubliez pas que c’est la qualité de votre candidature qui emportera tout sur son passage. Tuons tout de suite une rumeur, il ne faut pas être nécessairement enseignant, intellectuel, fonctionnaire, profession C++, retraité, de gauche bref un profil d’auditeur de France-Inter pour être sélectionné. Il faut, avant tout, être un.e lecteur-rice passionné.e. Ne faites pas comme cette personne rencontrée un jour qui m’expliqua doctement qu’il avait modifié son profil socio-professionnel et sa localisation pour accroitre ses chances de sélection…il attend toujours. Dans le jury dans lequel j’ai participé, il y avait une lycéenne, une consultante, un directeur de musée, un infirmier, un spécialiste de littérature médiévale, un chômeur, une psychologue, un retraité, un barman…il faut juste savoir lire et parler des livres avec émotion et passion.

J’habite La Rochelle, cette localisation a sans doute aidé à ma sélection, mais je suis avant tout un lecteur passionné qui défend ses choix. Trente ans avant, lors de ma première candidature, habitant à Paris, j’avais reçu un courrier m’annonçant que ma lettre avait retenu toute l’attention du comité de sélection, mais que j’étais en liste d’attente : argh… l’année d’après, j’ai renvoyé quasiment le même courrier et je n’ai pas eu de réponse du tout ! Je m’étais arrêté là avant de retenter ma chance en 2021.

Passons aux choses sérieuses : LA LETTRE

J’avais choisi une police de caractères Calibri 12 avec un interligne de 1,5 et des marges de 2,5 cm. Je vous raconte cela, m’étant posé la question et n’ayant rien trouvé sur le web me donnant de tels détails pratico-pratiques. Voilà qui, j’espère, vous aidera. Trente ans avant, j’avais manuscrit la lettre au moins 10 fois pour qu’il n’y ait pas de ratures… ni fautes d’orthographe. Quelle était la longueur de cette lettre : 1652 mots… bon si vous écrivez 1653 mots, cela devait aussi pouvoir passer…

Comme il est répété à chaque édition, il faut que vous décriviez dans ce courrier quel lecteur et qui vous êtes avec franchise et transparence. Inutile, je pense, de raconter que vous avez lu La Recherche 12 fois et que vous avez trouvé L’Homme sans qualité d’une drôlerie implacable. D’un autre côté, n’avancez pas que Guy Des Cars est l’écrivain le plus sous-estimé du XXᵉ siècle, cela n’aiderait pas non plus à votre sélection.

Mon option fut de décrire quel avait été mon parcours, de l’enfance à aujourd’hui, en mettant en regard les livres que j’avais lus, aimés sans oublier le fait que France-Inter et certains animateurs m’avaient également accompagné depuis ma prime jeunesse. N’oubliez pas de mettre un mot sur le Président du Jury qui participe à la sélection. Dans mon cas cela tombait plutôt bien, c’était Dany Lafferrière dont j’avais apprécié plusieurs ouvrages.

Si vous avez la chance d’être sélectionné, vous allez recevoir 10 livres à lire en 2 mois avant de vous réunir à Paris avec l’ensemble des jurés. La sélection des ouvrages est issue d’une cinquantaine de critiques littéraires qui envoient leur Top 10 à Eva Bettan qui en tire sa liste finale. C’est, de ce fait, un panorama assez large de la diversité de la dernière rentrée littéraire, dans mon cas cela allait de Bouysse, Bonnefoy à Rolin en passant par Reinhnart et N’Diaye sans oublier un premier roman ! Les livres sont envoyés et vous n’avez alors plus aucune nouvelle de la part de l’organisation du prix (c’est étonnant) ! Pas de recommandations de ce que l’on attend de vous (notes de lecture ?), ni dossier de presse sur la sélection, ni communication sur les interviews des auteurs à l’antenne, vous vous retrouvez seul avec votre pile de bouquins et un rendez-vous à venir à la Maison De La Radio 2 mois après.

Pour s’inscrire au Prix du Livre Inter 2023, c’est ici (Date limite de candidature : 6 mars 2023)

Vous avez vécu sur un petit nuage pendant ces deux mois en vous astreignant à une lecture assidue de la sélection, mais le meilleur est à venir… la rencontre avec les autres jurés ! Fus-je chanceux ? Toujours est-il que la qualité de nos discussions dans le jury fut vraiment remarquable, aidé en cela par Dany Laferrière qui fut un excellent président. Difficile de décrire le plaisir de partager des discussions littéraires avec 24 passionnés et même si nous n’étions pas toujours d’accord ! La justesse des propos était là ainsi que la bienveillance et la tolérance, bref une expérience humaine inoubliable, mais malheureusement unique car vous ne pouvez être retenu qu’une fois. Il faut souligner que jamais France-Inter, par le biais d’Eva Bettan, n’intervient dans les débats, c’est vraiment le choix des lecteurs et des auditeurs, c’est important de le rappeler.

Notre jury a sélectionné au 1^er tour de scrutin l’élégant 1^er roman de Hugo Lindenberg Un jour ce sera vide. Cas rare puisque le précédent était le prix Inter 1990 de Daniel Pennac La petite marchande de proses récompensé de la sorte.

Depuis, certains d’entre nous se sont retrouvés lors d’une soirée et nous continuons tous à communiquer via un groupe qui s’appelle malicieusement Un jour ce sera Bezons (private joke).

J’espère vous avoir donné envie de candidater et de vivre cette belle expérience, tous à vos claviers, vous avez environ 1 mois.

Éric ATTIC