Porteurs de leur excellent nouvel album Moon River paru en septembre dernier, Nada Surf prennent à nouveau possession du Bataclan à Paris pour une soirée dédiée à la power pop rutilante new-yorkaise, fidèles à la France depuis maintenant bientôt trente ans.
Retrouver Nada Surf sur scène est devenu une tradition. Comme le repas dominical en famille, mais sans le vieil oncle réac, les rendez-vous avec Matthew Caws, Daniel Lorca et Ira Elliot, devenus depuis quatuor avec le claviériste Louie Lino, sont réguliers, le groupe étant des plus productifs depuis 1996, avec à ce jour pas moins de dix albums studios. Français de cœur, Matthew et Daniel, dans un français parfait, continuent de louer le public hexagonal, se produisant toujours généreusement dans notre pays, leur popularité ne s’étant jamais démentie depuis. Avec à leur actif un répertoire fondé sur le meilleur de la pop rock, baignés dans l’univers indé de l’école Ric Ocasek, Nada Surf continuent sans relâche de nous offrir des disques où leur sens inné de la composition allie parfaitement harmonies et énergie, réussissant à ne jamais tomber dans une certaine platitude mainstream dans laquelle nombre de formations qui cumulent tant d’années au compteur peuvent facilement glisser. Cette éternelle jeunesse est surtout le fruit des esprits libres et de la grande humanité de ses membres, avec en tête Matthew Caws dont quasiment tous les fans peuvent s’enorgueillir d’avoir pu à un moment ou à un autre le rencontrer avant ou après les concerts, ce dernier se rendant accessible à qui le souhaite. C’est ainsi que la soirée débute lorsque Matthew vient saluer certains de ses fidèles admirateurs à peinent pénétré dans la salle et échanger quelques souvenirs datant de 1998, qui mena la rédactrice de ces lignes dans le fond de la campagne normande pour le concert unique de Nada Surf à Pirou Plage, devenu mythique pour la poignée de fans qui s’y est retrouvé.
Depuis, c’est une longue série de prestations de Nada Surf qui a suivi, et la générosité de la musique des Américains permet même à ceux qui s’en sont éloigné à un moment donné d’y revenir tout aussi facilement. Ce soir, c’est à nouveau le Bataclan qui accueille le groupe, deux ans et demi après leur dernier passage dans la capitale, alors heureux de pouvoir enfin se produire dans des conditions revenues à la normale après les turpitudes liées aux COVID-19. La salle affiche complète, la fosse est pleine à craquer de fans plus ou moins récents, tous les âges se croisant à leurs concerts, certains même accompagnés de leur progéniture comme pour leur passer le flambeau. Après une mise en jambe des plus agréables à l’écoute du groupe néerlandais Elephant et de leur pop flirtant entre Teenage Fanclub et The Picture Waves, la scène se pare du logo du groupe, et c’est parti pour une heure et demie d’une série de tubes devenus maintenant intemporels.
Les nouveaux morceaux de Moon River se mêlent parfaitement à la pop vitaminée et toujours si subtile du groupe. Nous sont enfin présentés les dernières compositions, tel In Front Of Me Now, single calibré pour devenir un nouveau classique, car réunissant tous les ingrédients du succès du groupe : mélodie punchy, guitare incisive et ce chant d’éternel ado dont Matthew garde jalousement le secret : voilà révélée la formule magique de la longévité des Américains. Nous retrouvons plus loin Losing et ses doux accents à la Beach Boys, et le pêchu Intel And Dreams, qui nous ramène loin à l’époque de leurs premiers hits beaucoup plus power pop de la fin des années 90s.
Les concerts de Nada Surf sont toujours l’occasion pour Matthew et Daniel de s’exprimer généreusement, évidement dans la langue de Molière, et de nous délivrer de multiples anecdotes, certaines cocasses sur leurs premiers pas dans les studios new-yorkais lors de l’enregistrement notamment de The Plan, ou concernant une drôle de rencontre dans les rues de New York avec Joey Ramone, d’autres beaucoup plus personnelles comme l’histoire de Mathilda et la relation très tendre entre Matthew et son papa. C’est ainsi l’occasion pour Daniel de remercier encore très chaleureusement le public parisien, et particulièrement le Bataclan, nous confiant avec énormément d’émotion leur sentiment de se sentir réellement comme à la maison parmi nous. Un sentiment d’affection partagé par le public, ce dernier se laissant ainsi selon les titres s’emporter dans quelques mouvements de foule salutaires, nous remémorant nos premiers pogos dans des salles minuscules où nous avons eu l’occasion de faire nos premières armes en compagnie du trio d’alors.
On ne compte plus les tubes dans cette setlist de premier choix. Brassant largement dans leur discographie des plus fournies, l’équilibre entre ballades douces et petites fusées est parfait, passant de la profondeur de Blonde On Blonde et New Propeller à la folie de The Plan et Hyperspace. On saute, on chante et on s’émerveille devant la solidité de ce groupe qui, quelle que soit la nuance du dernier album paru, offre des prestations live venant automatiquement sublimer tous leurs titres. Le rappel est chose sérieuse chez Nada Surf, quand débute les premières notes de Popular, devenu l’hymne de tous les kids des années 90, suivi du très beau Always Love et, tradition depuis bien vingt années maintenant, l’interprétation de Blizzard of 77’ a capella, avec les membres du groupe postés au tout devant de la scène, comme un dernier cadeau offert à des amis proches, en toute intimité.
C’est donc depuis bientôt trente ans maintenant que nous retrouvons fidèlement Nada Surf, qui n’ont jamais cessé de nous livrer des concerts épiques, leur authenticité et leur très grand respect envers leur fans étant leurs plus grandes qualités.
Texte et photos : Laetitia Mavrel