Avec Bruce Springsteen – Born in the USA, Thierry Jourdain revient sur le malentendu autour du morceau signature du Boss tout en détaillant avec précision sa naissance.
Pour son livre sur la chanson la plus emblématique et la plus incomprise du Boss, Thierry Jourdain arpente des routes bien connues des springsteeniens : le long processus d’élaboration d’une chanson, la tension à l’œuvre chez Springsteen entre l’amour pour les valeurs nationales américaines et leur traduction plus qu’imparfaite dans l’Amérique réelle, les rapports entre le travail du Boss et le cinéma…
Mais ce qui distingue Bruce Springsteen – Born in the USA est le travail de synthèse des sources de Jourdain, d’une maniaquerie comparable au travail d’un Nicolas Sauvage. Ainsi que la mise en exergue du désir du Boss de montrer en pleine ère Reagan que la bannière étoilée n’appartenait pas qu’aux Républicains. Ceci dit, il y a avant cela le fascicule dans le fascicule : la préface d’Elliott Murphy. Qui revient sur l’amitié et la collaboration avec le Boss ainsi que sur le destin très différent de deux auteurs-compositeurs-interprètes vendus à la même époque comme de potentiels nouveaux Dylan.
Lorsque Murphy évoque le rôle-clé selon lui de la chanson concernant la représentation de la Guerre du Viêt Nam en musique, on pourrait objecter 1) que comme le rappelle Jourdain il y avait eu Vietnam de Jimmy Cliff, possible source d’inspiration du morceau sachant que son titre fut un titre de travail de Born in the USA. 2) que le Viêt Nam fut évoqué par Johnny Cash dans un Man in black unifiant le sort de l’Amérique pauvre avec celui des appelés. Mais comme le dit Murphy c’est de cette manière que le morceau fut vécu.
Il sera question d’un Bruce qui vola le titre de sa chanson à un scénario de Paul Schrader écrit spécialement pour lui (et tourné sous le titre Light of day quelques années après son refus). Mais Schrader avait lui-même piqué son titre à une chanson du groupe The Generators. Si la chanson ne trône pas au sommet de mon Panthéon springsteenien, le morceau est décrit comme un aboutissement pour le Boss. Ce dernier avait fréquenté Ron Kovic, vétéran du Viêt Nam auteur du livre Né un 4 juillet (adapté plus tard par Oliver Stone). Il avait vu de ses propres yeux les problèmes de réinsertion des vétérans.
Initié en acoustique, plusieurs fois réécrit avant de trouver sa forme parfaite en studio avec le E Street Band, le morceau représentait exactement ce que Bruce voulait raconter depuis son début de carrière. L’incompréhension de son propos, sa réappropriation par une Amérique qui voulait tourner la page du doute de la décennie 1970 font partie de l’importance du morceau. Feu Leonard Cohen le savait, heureux que ses chansons puissent vivre.
Mais Springsteen a finalement dit l’essentiel : la notion de succès est tellement importante aux Etats-Unis qu’elle éclipse beaucoup de choses.
Ordell Robbie
Quand on songe que Ronald Reagan alors en pleine campagne présidentielle en vue de sa réélection a utilisé cette chanson pensant mettre tous les atouts de son coté …