Projet louable dans son envie de briser les routines d’un certain cinéma social anglais, Bird, film marquant le retour d’Andrea Arnold à la fiction, tente beaucoup mais rate trop de choses pour convaincre.
Il faut reconnaître une chose à Andrea Arnold : sa petite empreinte dans le cadre de ce que les festivaliers nomment cinéma social britannique. Avoir réussi à proposer une synthèse formelle convaincante entre deux grandes traditions du cinéma anglais. Le courant naturaliste, incarné entre autres par Humphrey Jennings et Ken Loach. Le courant formaliste, incluant entre autres Powell, les frères Scott et Alan Parker.
Son Bird appartient aux nombreux films de Cannes 2024 qui tentèrent de façon pas toujours convaincante de proposer de la rupture, du mélange d’éléments hétérogènes. Et non le formatage festivalier d’habitués revenant sur la Croisette avec des films souvent construits selon le même prototype.
Bailey (Nykiya Adams), âgée de 12 ans, vit avec son frère Hunter et son père Bug (Barry Keoghan). Ce dernier les élève seul dans un squat au nord du Kent. Face à un Bug absent, Bailey cherche de l’attention et de l’aventure ailleurs. Elle croise la route de Bird (Franz Rogowski).
Si le film a la part de misérabilisme souvent présente dans un certain cinéma social, on ne saurait reprocher à Arnold de ne labourer qu’une terre familière. Mais la prise de risques ne fonctionne pas vraiment. L’intégration de moments filmés avec un IPhone par Nykiya Adams n’apporte rien au récit.
Portant une robe synchrone de la mode hommes des années 2020, le personnage de Bird semble échappé d’un roman de Dickens. Sa collision avec un univers désœuvré contemporain est intéressante sur le papier. Mais Bird ne réussira à se fondre dans le récit que sur la fin, via un recours au réalisme magique. Un réalisme magique présent dans les scènes où Bug et ses potes tentent d’obtenir d’un crapaud un liquide hallucinogène en lui chantant du Blur et du Coldplay.
Vidéoclip des Fontaines D.C. composé exclusivement d’images du film
Des maladresses s’accumulent, en plus des audaces manquant leur cible. Arnold ajoute ainsi au cheval, symbole accompagnant chez elle des personnages féminins dans leur coming of age, le symbole bien lourdingue de l’oiseau (le désir de liberté, la peur de se brûler les ailes). Les plans d’autres animaux et de la nature sentent le Malick light. Incluant entre autres Burial et les Fontaines D.C., la (très écoutable) musique n’apporte rien au film. Quand elle n’est pas utilisée de manière lourdement explicative (Blur, The Verve). Le film cale enfin à mi-parcours. Restent Adams, Keoghan et Rogowski, tous excellents et que l’on espère revoir vite ailleurs.
Arnold a voulu construire un projet démocratique dans son esprit. Les passages IPhone mentionnés et un générique de fin citant sans les hiérarchiser le Directeur Général d’ARTE France Cinéma (Olivier Père) et des membres de la communauté locale en témoignent. Mais ce projet louable sur le principe suscite plus l’estime que l’adhésion.
Ordell Robbie