[Live Report] Fat White Family et Billy Nomates au CentQuatre pour les Inrocks Festival 2025

Immense concert donné hier soir aux Inrocks Festival par un Lias Saoudi et sa Fat White Family, en passe de devenir le groupe de rock intouchable de sa génération.

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Fat White Family au CentQuatre – Photo : Robert Gil

Si le Festival des Inrocks n’a plus aujourd’hui le prestige et l’influence qu’il pouvait avoir dans les années 90, il est encore capable de nous proposer de très belles soirées, pertinentes et excitantes, comme ce jeudi, en mettant à l’affiche un groupe aussi essentiel que Fat White Family… Qui plus est au CentQuatre, une salle très accueillante, avec une excellente qualité de son, de bonnes lumières, et une scène suffisamment haute pour que le public puisse largement profiter des sets. On pourra tiquer sur le prix élevé des places, qui ont certainement empêché que la soirée soit sold out, et aussi sur un problème non négligeable dans la programmation de ce soir. On y revient tout de suite…

 

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Billy Nomates au CentQuatre – Photo : Laetitia Mavrel

20h00 : La soirée commence plutôt bien avec Billy Nomates, une chanteuse anglaise initialement inspirée par les excellents Sleaford Mods. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, surtout en sachant qu’elle se produirait seule sur scène, sur de la musique préenregistrée, Billy (ou plutôt Tor de son vrai nom) ne joue pas dans la cour très fréquentée de la musique urbaine ou de la « pop » à la mode actuelle (ce sera pour la suite), mais se révèle plutôt une chanteuse de rock « classique », voire « à l’américaine » : sa voix et son style vocal peuvent même évoquer Fleetwood Mac, c’est dire ! Billy est à la fois une jeune femme un peu timide (il suffit de voir son visage à la fin de son set quand elle remercie le public parisien pour la bonne réception qu’il lui a offerte) et une petite « bête de scène », qui occupe de manière spectaculaire – parfois excessive – l’espace autour d’elle. Un set convaincant, une artiste motivée, avec un talent déjà appréciable, qu’on a envie de revoir plutôt avec un groupe, qui offrirait un plus bel écrin à son talent, sans qu’elle ait non plus autant à donner de sa personne !

21h00 : le GROS, l’ENORME problème de la soirée, c’est maintenant. On nous a annoncé le concert d’adieu d’un célèbre (?) duo de « pop » anglaise dont nous n’avons jamais entendu parler, Sad Night Dynamite. Pas mal de jeunes filles, souvent anglaises, sont là pour « l’évènement », hurlant déjà à plein poumons. Sympathique, mais assez inquiétant quand même. Pourtant rien ne nous a préparés à l’heure de pure et intense souffrance que vont nous infliger ce que nous nous accorderons largement à qualifier de PIRE « groupe » que nous ayons jamais vu sur scène depuis plusieurs décennies de concerts : le problème n’est pas tant que ça ne soit pas du Rock ni du Rap (on s’en fout, c’est même intéressant d’explorer d’autres styles musicaux), mais que ces « lads » ne savent ni jouer, ni chanter, ni rapper, ni même se tenir sur une scène et communiquer de manière supportable avec leurs fans, cumulant frime et bêtise crasse. Le son est dégueulasse, saturé, les voix sont auto-tunées, les mélodies absentes, les rythmes sans imagination, la grande majorité des sons « joués » par les musiciens sont en fait en playback. Il y a même deux trois moments littéralement abyssaux de médiocrité sur la longue, longue heure de concert. De quoi traverser un tunnel de profond désespoir, au point de se dire qu’il faudrait peut-être arrêter d’aller à des concerts, pour s’éviter ça. Comme ces prétentieux exigent en plus de valider les photos pour en autoriser la publication, nous ne leur rendrons pas ici la faveur de publier des images de cette souffrance qu’ils nous ont imposée. Vous arrêtez de faire de la musique pour faire du football ? Bravo et bon vent !

 

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Fat White Family au CentQuatre – Photo : Laetitia Mavrel

22h30 : Alors que nous sommes épuisés par l’épreuve que nous venons de traverser, Lias Saoudi et sa merveilleuse Fat White Family nous font l’immense faveur de débuter leur set dix minutes plus tôt, pour jouer dix minutes de plus. Le set est précédé par une introduction électronique en forme de gargouillis intestinaux, parfaitement appropriés quand on connaît les obsessions physico-scatologiques de Lias. La lumière est uniformément rouge, ce qui ne variera pas d’un iota pendant les soixante-dix minutes du set, tant pis pour notre envie d’avoir de belles photos de ce qui est probablement aujourd’hui le groupe de rock à la fois le plus novateur, le plus bouleversant, le plus excitant de la scène britannique.

 

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Photo : Robert Gil

Et un groupe qui est dans sa meilleure forme – ne faisons pas durer le suspense : ils nous livreront ce soir probablement le meilleur concert de la Fat White Family que nous ayons vu à date : une pure folie furieuse rougeoyante, pendant une heure et dix minutes, avec sur la setlist uniquement des chansons puissantes, sans aucune pause d’intensité comme ils le font d’habitude en incorporant des titres plus atmosphériques, ou plus abstraits. Du direct « dans ta face », avec un Lias Saoudi brillantissime, en pleine forme physique, et, c’est intéressant de le noter, prenant un malin plaisir à communiquer, à balancer des vannes : la blague de la dédicace à Depardieu avant de jouer Polygamy Is Only for the Chief, et puis à nouveau avant Without Consent !) ; celle sur « mon père, arrivé en dinghy d’Algérie, et qui ne veut pas repartir, dont je n’arrive pas à me débarrasser, même en allant le dénoncer à la police ! »

Lias, à la fois forcené à la limite de la démence, clown généreux, et, inévitablement, semi-clochard répugnant comme il aime à le paraître, avec la main enfouie dans son pantalon pour se triturer les parties génitales ou les fesses avant de se renifler les doigts, ou bavant sur son micro avant de se le passer langoureusement sur la figure, oscille constamment entre l’Iguane jeune et ses assauts hypersexués, Shane McGowan en train de danser une gigue hébétée, et Johnny Rotten avec sa voix aiguë et son phrasé ironique : il n’a de cesse de « salir » la stupéfiante beauté de sa musique, pour empêcher sans doute que l’on ne fasse que des compliments sur son set !

2025 03 06 Fat White Family CentQuatre LM (3)Car, musicalement, avec un son presque démentiel, on était dans les cimes ce soir : par moments, nous avons pensé à comment The Idiot aurait pu sonner sur scène à l’époque, si Iggy avait eu avec lui un groupe du calibre de la Fat White Family, avec ce mélange de beats martiaux et lugubres, de guitares saturées et de cuivres hystériques. Et comment ne pas tous hurler à pleine gorge : « I am Mark E. Smith / I got the paperwork to prove it » (Je suis Mark E. Smith / et j’ai les documents pour le prouver !) sur I Am Mark E. Smith, ou encore « Me and my baby going to touch that leather » (Moi et ma nana on va toucher ce cuir !) sur Touch the leather ? Par moments, au milieu du public en transe, on avait le sentiment de faire partie d’une meute de loups hurlant à la lune, rien de moins que ça !

Et le set s’est terminé sur le punk rock déchaîné de Whitest Boy on the Beach – rappelons-le, une magnifique exploration de la fascination répugnante que le nazisme exerce sur les esprits faibles – et la chanson réellement dégénérée qu’est Is It raining in your mouth? – là encore avec sa référence à Hitler, liée à des exactions sexuelles. Prouvant que Fat White Family sont LE groupe incontournable quand il s’agit de parler de notre époque. Et nous laissant K.O. après ce set littéralement DEMENTIEL (pas si loin de Nick Cave parfois, en termes d’intensité…).

Du coup, nous avons décidé de continuer à faire des concerts ! Merci aux Inrocks pour ces grands moments d’introspection !

Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil / Laetitia Mavrel

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