Notre rédacteur, venu beaucoup pour voir Richard Ashcroft en première partie, retrouve Lenny Kravitz après trente-quatre ans : c’était à la Défense Arena, et il nous raconte ça !

Il y a un peu plus de trente-quatre ans (oui, je sais), j’avais assisté dans une salle que l’on appelait alors le POP de Bercy (oui, je sais) à la très belle prestation scénique de Lenny Kravitz, à l’aune de son deuxième album, Mama said, qui a contribué à l’explosion du Leonard de (N)YC, et qui m’avait définitivement conquis, après le déjà très bon Let Love Rule sorti en 1989. S’en sont suivis neuf autres galettes selon moi assez inégales, voire dispensables (Strut’?) : Prince, son mentor, étant resté à mes oreilles le patron de la fusion rock-funk-groove. Je m’étais peu à peu désintéressé de Kravitz, plus attiré par la déferlante britpop de la dernière moitié des Nineties, puis par le renouveau du rock garage new-yorkais durant les années 2000.
Je me suis décidé à y retourner, pas seulement pour Lenny le toujours sexy et désormais sexa, mais surtout pour la spéciale guest annoncée, le « légendaire », dixit Lenny himself, Richard P. Ashcroft (himself aussi).
A l’arrivée dans la belle Arena de la Défense en ce samedi ensoleillé, on pouvait craindre pour nos oreilles tant le bon son dans des enceintes d’abord conçues pour des rencontres sportives (et donc pour faire du… bruit) est rarement au rendez-vous. J’avoue avoir été assez surpris, agréablement, par la qualité sonore de cette aréna en U (arénu ?) ayant accueilli la piscine olympique en juillet dernier. Une histoire d’ondes à laquelle sans doute a su remédier avec brio (et la pression de Lenny, limite intégrise dans ce domaine ) l’ingé son qui officiait ce soir-là. Par contre, les bouchons d’oreille ont sauvé mes esgourdes tant le volume était fort, sans toutefois nuire à une écoute pour ma part tout à fait satisfaisante.
En vedette américaine première première partie, la sympathique Adi Oasis, anciennement connue sous son vrai prénom Adeline, c’est l’autre régionale de l’étape (Lenny habite dans le XVIème !), pour se mettre dans l’ambiance soul jazz du moment. Bassiste solide, chanteuse accomplie et engagée, elle a su faire monter l’ambiance d’une assistance encore clairsemée, dont on se demande si elle fera le plein. Un titre à retenir sur un set d’environ trente minutes ? Red to violet.
Ritchie is back, et ça fait du bien. En prélude à ses grande messes d’été avec ses potos de l’Oasis, c’est une présence peut-être inattendue mais finalement pas tant que ça, pour celui qui a intitulé le premier album de The Verve A northern soul. Le retour de Richard Ashcroft à Paris, tant attendu depuis quinze ans, a été une totale réussite. Une heure de bonheur pop psyché, un line-up solide et pêchu sans fioriture, des envolées lyriques du lead guitariste (aux faux airs, soniquement parlant, de N. Mc Cabe), le son cristallin bien audible de sa Hummingbird et sa voix chaleureuse… Que demander de plus, sinon de prolonger le plaisir ? Le beau gosse a presque réussi à transformer cette immense salle en un cadre intimiste. Une set-list principalement basée sur les singles de l’album culte Urban Hymns, comme Sonnet en ouverture, Space & Time, The Drugs Don’t Work, Lucky Man et bien sûr en guise d’apothéose un Bitter Sweet Symphony endiablé, le tout entrecoupé de morceaux de ses albums solo, Music is Power, A Song for the Lovers et Break the Night with Colours. Une scénographie et des jeux de lumière sobres et efficaces. J’ai été assez ému de l’avoir vu, et j’ai hâte de le revoir en main event !
Petit DJ set ensuite, pour nous faire patienter; avec notamment une version remixée de Smells Like Teen Spirit annonçant les rugissements de guitare à venir.
De retour (lui aussi) cinq ans après son dernier opus, Lenny Kravitz a produit le show très carré que l’on pouvait attendre de la rock star qu’il est, avec tout le toutim : silhouettes très fit et abdos saillants pour ces messieurs, beaucoup d’énergie, des changements de guitares (pour les trois !) à chaque chanson ou presque, bain de foule de vingt minutes en guise de rappel, quelques propos un peu gnan-gnans (j’aillais dire lénifiants…) sur le respect, l’amour, l’inclusion, dont un « Je vous ressens profondément » (d’ici ? Flatteur !), et des tubes, des tubes, des tubes….
Son groupe, assez monstrueux, est à l’unisson : le guitariste fidèle Craig Ross (« Ma plus long relation » selon le boss), une section rythmique métronomique avec la batteuse Jas (Jazz ?) Kayser et le bassiste H. Choi sous son chapeau, une section de cuivres de trois vieux « bri(as)scards », une paire de jumeaux aux chœurs. Au chant, Kravitz use et abuse de sa voix charmeuse et distille quelques solos de Gibson(s) plutôt bien sentis, notamment sur Paralysed.
Car Lenny fait d’abord et surtout du Lenny : un fusion propre de ses influences (Prince, bien sûr, Marvin Gaye, Stevie Wonder) et de ses différents styles : du rock groovy bien gras, avec les incontournables Always in the Run et Are You Gonna Go My Way, des ballades sirupeuses (I’ll Be Waiting, Again, I Belong to You), teintées de soul (It ain’t over…, Fly away) ou de funk (TK421), voire de l’électro-pop (Minister of RnRoll, Honey), Lenny sait tout faire et plutôt bien. Un seul bémol (et demi) : un concert peut-être un peu trop bien léché, et finalement sans surprise, la configuration de la salle n’aidant pas il est vrai à la déferlante d’émotions, malgré ce que disait ressentir le Tailleur (c’est la signification de kravits en ukrainien, l’Ukraine étant le pays d’origine de son grand-père).
Un seul rappel (mais de plus de vingt minutes !) pour finir avec un Let love Rule, repris en chœur par la foule, et dont le seul intérêt pour moi a été de pouvoir l’apercevoir de très près, et de reconnaitre qu’il est encore bien gaulé, le bougre, pour son âge !
Vous pouvez aller voir le « Dreaded Zebra » à Marseille le 3 avril et le lendemain à Nice. C’est complet le 14 à Bordeaux.
Texte : Stephan Triquet
Crédit photos : Valérie Coclin