Dean Wareham nous livre un nouvel album solo toujours aussi classieux, dans la lignée de ses travaux précédents. Une pépite qui témoigne une nouvelle fois de la subtilité de sa musique.

Dean Wareham est l’exemple typique de légende méconnue. Depuis 40 ans, il participe régulièrement à des albums impeccables influencés par le Velvet Underground ou les Feelies. Son groupe Luna, qu’il réactive de temps à autres est responsable de magnifiques albums depuis le début des années 90 : Bewitched, Penthouse, Pup Tent, à redécouvrir absolument par ceux qui sont passés à côté. Le groupe à son apogée a eu l’honneur de faire la première partie de la tournée du Velvet reformé, et Tom Verlaine a participé à l’un des meilleurs titres de Penthouse (23 Minutes in Brussels). Bref, le talent de Dean Wareham est pour le moins reconnu par ses pairs (sans mentionner son travail pour le réalisateur Noah Baumbach, pour lequel il a souvent composé)
Un an après la sortie d’une compilation de son groupe de jeunesse Galaxie 500, sa nouvelle actualité est un troisième album solo, That’s the Price of Loving Me. Avec un point commun, Kramer, le producteur de l’album comme il l’était du dernier disque de Galaxie 500, This is our music.
L’album commence par un titre sur l’amitié et la trahison, You Were the Ones I Had To Betray, sublimé par les cordes de Gabe Noel et la voix mélancolique de Dean Wareham. Dear Betty Baby, pur morceau de pop indie, poursuit sur cette veine sentimentale, dans un univers musical qui semblera familier aux fans de Luna, tant il aurait pu figurer sur n’importe lequel des disques du groupe. Il s’agit pourtant d’une reprise de Mayo Thompson, leader du groupe expérimental The Red Krayola, dont Galaxie 500 avait repris le Victory Garden sur leur album On fire. Le son de la guitare de Wareham y est inimitable, et l’influence du troisième album du Velvet Underground évidente. C’est le premier moment fort d’un album qui en compte beaucoup, malgré ses 36 minutes.
Mystery Guest semble délicatement se référer à un ami perdu : « The mystery guest is coming alone,… The mystery guest was my friend » (L’invité mystère vient seul,… L’invité mystère était mon ami(. Recherche faite, il s’agit en effet de son tour manager et ami Kiko Loiacana. On croirait ensuite entendre Moe Tucker accompagnant Galaxie 500 à la batterie sur New World Julie, dont la mélodie reste longtemps en tête. Le défilé de héros et d’amis perdus continue avec Reich Der Träume une reprise en allemand de Nico, dans laquelle la voix de Dean Wareham tranche avec le côté expressionniste de la version originale. Le poids de l’âge fait resonner les paroles déchirantes : « Lass mich siegen, lass mich sterben, lass me lieben, lass mich fliegen » (Laisse moi triompher, laisse moi mourir, laisse moi aimer, laisse moi voler).
L’un des titres les plus forts du disque est placé au milieu. Bourgeois manqué, est inspiré par Thomas Mann : six minutes psychédéliques surun rythme africain créé par un tam tam, une superbe guitare acoustique et la basse de sa partenaire Britta Phillips. Cette dernière chante sur The Cloud Is Coming, qui clôture cet album marquant dans une version électrifiée, faisant suite à son inclusion acoustique dans le White Noise de Baumbach.
Plus qu’une simple addition à sa discographie en attendant une hypothétique tournée de Luna, ce disque passionnant s’avère être le plus personnel de son auteur.
Laurent Fegly
Dean Wareham – That’s the Price of Loving Me
Label : Carpark Records
Date de parution : 28 mars 2025