Avec son roman 34m2, Louise Mey décrit la vie d’une mère seule qui compose avec sa nouvelle maternité et un passé violent, celui dans lequel un homme avait une emprise sur elle.

Juliette vit avec sa petite fille de huit mois dans un petit appartement de 34m2. Mère seule, elle a peu de temps pour elle et est traversée par des sentiments contradictoires. D’un côté un amour qui la dépasse pour son bébé et en même un sentiment de s’oublier à d’autres moments. L’autrice décortique la vie de cette jeune maman, son quotidien qui peut sembler banal, mais qui est nouveau sous bien des aspects. Découvrir la peur de perdre son enfant, l’inquiétude nouvelle qu’il arrive quelque chose à Inès, le rapport à son entourage qui change, notamment à sa sœur, le fait de ne plus avoir de temps pour soi.
Juliette revient de loin et cette situation de mère seule, c’est ce qu’elle a souhaité. Elle vit ce quotidien avec sa fille Inès en espérant oublier un passé traumatique, celui dans lequel un homme avait une emprise sur elle. Un homme violent qui depuis est en prison, mais qu’elle ne peut oublier. Au détour d’un parfum, d’une situation, tout peut ressurgir pour Juliette qui se sent submergée dans ces moments-là.
« (…) elle n’a jamais trouvé le bon mot pour décrire cet état de vigilance volontairement distraite, de sentinelle qui tenterait d’être inattentive parce qu’on lui répète que le danger est écarté et qu’elle voudrait désespérément, de tout son être, faire ce que lui disent les gens qui ne comprennent pas : passer à autre chose, changer de sujet, avancer. Regarder plus loin, ailleurs. (..) »
On est complètement sonné par ce court roman de Louise Mey. Après La deuxième femme, le précédent roman noir de l’autrice qui décortiquait les rapports de domination dans une campagne reculée à la fin des années soixante, 34m2 restitue avec une acuité rare le portrait d’une femme qui lutte pour vivre avec son passé, pour survivre. Une femme qui a croisé la violence des hommes et qui ne sera plus jamais la même.
L’écriture tendue, le récit qui s’étend sur une petite centaine de pages, rien n’est laissé au hasard pour faire ressentir ce qui vit Juliette. On sent que la tension monte et ce passé justement n’est jamais vraiment enfoui. Un roman noir remarquable qui montre bien tout le talent de Louise Mey pour décortiquer les mécanismes d’emprise et la violence sourde qui guette.
Sébastien Paley