« Quelque part en mer » de Dörte Hansen : la force d’attraction d’une île, y naître et y mourir

Dans Quelque part en mer, l’écrivaine allemande Dörte Hansen évoque l’insularité et le devenir des générations futures avec poésie. Son récit a une portée universelle tant il concerne de nombreuses îles en quête de survie.

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© Sven Jaax

Dörte Hansen a longtemps été journaliste pour la presse écrite et la radio allemandes avant de devenir une autrice contemporaine majeure outre-Rhin. Découverte en 2016 avec un premier roman, À l’ombre des cerisiers, largement plébiscité par les libraires indépendants allemands et publié chez Kero en France, Quelque part en mer est son troisième roman, deuxième à être publié chez nous par les éditions Stock.

Le roman se déroule sur une petite île au large entre Jutland, Frise et Zélande, tout au nord de l’Allemagne, à la frontière avec le Danemark. Les familles implantées depuis des générations là-bas ressemblent au climat : rudes et sans concession. Elles doivent faire face aux tempêtes et à l’envahissement progressif de l’île par les continentaux qui s’accaparent les vieilles maisons de pêcheurs pour en faire leur résidence secondaire.

Quelque part en mer couvLe monde change, celui des marins également. Plus besoin de partir de longs mois en haute-mer pour faire vivre la famille au péril de sa vie, se transformer en marin d’opérette pour distraire les touristes suffit désormais, au grand dam de certains.

Le roman s’articule autour des membres de la famille Hansen, îliens depuis des générations, possédant une maison traditionnelle de pêcheurs aux clôtures en os de baleine, faisant le bonheur des photographes et peintres du dimanche.

Hanne, la mère de famille est seule depuis vingt ans, abandonnée par son marin de mari. D’ailleurs, de marin ne reste que le fils aîné, Ryckmer, qui navigue désormais quotidiennement sur le ferry reliant la mer au continent qui déverse chaque jour son lot de touristes. Ayant vécu une tempête qui aura eu raison de son courage et de sa santé mentale, il vivote désormais sous la houlette maternelle.

Eske, la sœur cadette trentenaire, fan de heavy metal au corps entièrement tatoué, est infirmière à la maison de retraite de l’île et accompagne les derniers jours des anciens. Elle déteste les touristes et cherche à sauver l’héritage d’une communauté en perdition. Attachée viscéralement à son île, elle enregistre les chants et les histoires racontées dans la langue locale pour la transmettre à un linguiste spécialisé.

Henrik, le benjamin, a toujours refusé de prendre la mer, mais prend ce que la mer lui offre, tels que verres polis, bois flottés et coquillages, pour en faire des œuvres d’art dont sont friands les nouveaux résidents.

Chaque chapitre évoque l’un des personnages. S’ajoutent le pasteur de l’île, en pleine crise existentielle depuis le départ de sa femme pour le continent et le père de famille longtemps absent du foyer et qui réapparaît comme après un long périple en mer

Ce très beau récit pourrait se décliner sur de nombreuses îles, où l’on observe la transhumance des natifs vers le continent et leur remplacement par de riches citadins avides d’authenticité, au risque de se ridiculiser en s’appropriant des traditions qui ne sont pas les leurs. C’est à la fois triste et drôle, une grande tendresse se dégage de ces pages. Dörte Hansen aime ces îles septentrionales et leurs habitants et cela se ressent à la lecture.

Il faut aussi souligner la qualité de la traduction d’Élisabeth Landes. Le texte traduit est tout simplement magnifique.

Caroline Martin

Quelque part en mer
Roman de Dörte Hansen
Editeur : Stock / Coll. La cosmopolite
300 pages, 22,90 euros
Date de parution : 26 mars 2025

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