Raoul Eden a sorti Incarnation en 2024. Depuis, le guitariste poursuit sa tournée, égrenant à qui veut bien l’écouter, contes et légendes rapportées dans sa besace. Un album d’une grande beauté, nécessaire en ce bas monde, une musique cathartique, purement instrumentale qui transmet ses messages.
Les variations du folk, rapportées depuis de lointaines contrées, rappellent les images populaires d’autrefois, des instantanés photographiques dans l’espace où chaque image est considérée comme un fragment d’une durée précise. Une musique dans lequel le voyage est incarné par ces héros, hobos, conteurs et ménestrels. Raoul Eden va encore plus profondément et plus loin, au travers de ses compositions instrumentales où guitares acoustiques, dobro, et drones se côtoient comme des compagnons de route avec des intonations carnatiques.
Voilà un an que Incarnation est sorti, et pourtant cet album perpétue ce statut d’œuvre indévissable, agrémentée d’un morphisme, dont le geste sous forme d’amplitudes, est symbolisé par des lamelles de temps consécutives, le tout illustré par une pochette sobre, stylisée par une tropologie extatique. Raoul Eden continue de se produire sur scène, et n’a pas fini son pèlerinage. Disons, que les instruments font corps avec le musicien, écoutez Red Sun of a Moonless Morning pour en être convaincu. Raoul Eden joue avec la même véracité en studio que sur scène. Sa musique est comparable au projet de Rick Tomlinson (Voice Of The Seven Woods), la viscosité sonore est honorée ici par des dissonances sur les cordes basses, un picking d’une maîtrise absolue qui évoque aussi Ben Chasny. Beat Your Head With Glorious Songs procure toute une imagerie visuelle sur l’écran de la pensée, feux de bois le soir, vie à la campagne, là où la paranoïa s’estompe dans le sol que recouvre les majestueuses forêts géantes du Massif Central.
Un chemin de terre en guise d’autoroute. Quelque part dans le lointain soleil couchant, un monde de machines et de saletés se propage toujours plus : en écoutant une musique si belle, on a honte de la laideur du monde. Une œuvre, ça ne se mesure pas en minutes, la musique de Raoul Eden est sacrée, destinée à purifier l’âme, c’est un pont vers le monde de l’invisible. Dans leur ensemble, les compositions sont imprégnées de légendes ancestrales, de mystères anciens. Après Anima, sorti un mois avant, Incarnation explore les multiples facettes des instruments dans des intervalles en quart de ton, d’où cet accordage spécifique. Il y a même quelques improvisations (Millions Now Living ou Will Never Die) où d’un accord, tout un pan de la musique folk prend cet aspect hypnotique, mais jamais répétitif. Une sorte d’ivresse que ressentent les Derviches tourneurs qui se transmet et infuse lentement.
Alors que Sophia Djebel Rose est actuellement en tournée, les deux compagnons de voyage se croisent sur scène lors de prestations en solo, leur alliance est telle que leur duo An Eagle In Your Mind va reprendre la route du studio… Du moins est-ce un présage ?
Franck irle
Raoul Eden – Incarnation
Autoproduction
Date de parution : 31 mars 2024