Assez mal reçue par la critique qui déplore le fonctionnement convenu de son intrigue policière, la mini-série suédoise le Dôme de verre bénéficie pourtant du savoir-faire de l’autrice Camilla Läckberg, et ne décevra pas les adeptes du polar scandinave et de ses codes.

Disparitions angoissantes d’enfants dans les paysages glaciaux et désolés de la Suède, serial killers et copycats, drames familiaux et secrets enfouis au sein d’une petite communauté renfermée sur elle-même, menace sur l’écosystème surgie de l’exploitation peu professionnelle d’une mine, racisme plus ou mois décomplexé de la population vis à vis des émigrés qui ont mieux réussi, atmosphère sombre et profondément déprimante, enquêtrice assaillie par les traumatismes de sa petite enfance qui interfèrent avec le présent, et puis une succession de coupables potentiels au fil des épisodes / chapitres, pour en arriver à la fin à une révélation sinon surprenante, mais tout au moins cruelle. On tient là, sans nul doute, une liste d’ingrédients classiques – voire désormais convenus – du polar scandinave, qui règne quasiment sans partage au sommet des ventes de livres populaires depuis plus de deux décennies…
Même quand on est, comme nous, fans du genre, il faut bien reconnaître qu’il a atteint une sorte de « plafond de verre », et qu’il nous donne ne plus en plus le sentiment de tourner en rond, voire de s’épuiser. En attendant peut-être un nouveau Jo Nesbø ou un nouveau Stieg Larsson, qui le relanceraient, le polar scandinave ronronne : il continue à nous distraire, mais ne nous surprend plus guère. Et la situation est sans doute pire encore dans le cinéma ou la série TV : on a du mal à se souvenir aujourd’hui des frissons et du bonheur apportés par les visionnages de The Killing ou de Bron. Et on ne peut guère éviter une sensation de routine devant le Dôme de verre, la dernière production suédoise proposée par Netflix, pourtant signée par Camilla Läckberg, une autrice non négligeable elle-même.
Il serait néanmoins dommage de ne pas s’offrir une petite promenade le long de ces 6 épisodes de 45 minutes, qui tournent autour du retour dans sa ville natale d’une criminologue suédoise ayant réussi une carrière aux USA, se trouvant confrontée à la mort d’une amie et à l’enlèvement de la fille de celle-ci… Un double drame qui va la forcer à affronter un traumatisme similaire de sa propre enfance. Evidemment, et cela fait partie des choses trop prévisibles du Dôme de verre, les événements du présent et ceux du passé sont liés, jusqu’à une douloureuse révélation finale… que certains auront sans doute vue venir, mais qui reste perturbante… Grâce à un dernier épisode émotionnellement fort, qui relève le niveau de la série.
Les téléspectateurs les plus impatients déploreront sans doute la relative lenteur du développement de l’intrigue, mais on a envie de leur rétorquer que c’est également cette attention aux détails, ce focus sur la psychologie des personnages, cette étude fine du fonctionnement d’un microcosme social qui constituent la force d’un bon polar scandinave. Et que l’interprétation offerte par le trio central Léonie Vincent, Johan Hedenberg, et Johan Rheborg est assez solide pour porter les passages à vide de l’histoire.
Bref, les passionnés du polar scandinave ne devraient pas se priver du plaisir qu’offre cette minisérie, qui certes ne les surprendra pas, mais les séduira par son sérieux et sa qualité. Pour les autres, peut-être vaut-il mieux en effet qu’ils passent leur chemin.
Eric Debarnot