Beau concert de The Murder Capital au Trianon samedi dernier, qui nous a réconcilié avec un groupe jusque là irrégulier sur scène. Une belle promesse d’avenir pour les Dublinois qui ont clairement atteint la maturité.

On ne va pas se mentir, The Murder Capital, pour nous, c’est un peu compliqué : il y a ces albums réussis, mais il y a aussi ces concerts qui ont toujours oscillé entre une belle intensité émotionnelle et des excès de… disons « générosité scénique » de la part de James McGovern, le front man charismatique du groupe, mais aussi entre flashs d’hystérie collective et longs tunnels un peu ennuyeux. Au point qu’on avait presque perdu la motivation de les voir sur scène (sans même mentionner notre allergie croissante vis à vis du soi-disant « post punk », vilaine baudruche nostalgique se dégonflant peu à peu). Il était néanmoins temps d’aller faire le point sur l’évolution du groupe, et ce d’autant que leur engagement à dénoncer le génocide de Gaza, ayant conduit à l’annulation de deux concerts de la tournée en Allemagne, les rendait plutôt sympathiques, en une époque où l’on regrette le peu de prise de parole politique chez les jeunes artistes.
20 h : la soirée doit d’abord débuter par une première partie qui ne nous fait pas, a priori, rêver : le duo d’art rock / rock expérimental, à la frontière de l’indus, de Hex Girlfriend, qui fait aussi parler de lui parce que le fils de Thom Yorke, Noah, officie à la batterie et au chant. On parle donc ici de deux types vêtus de noir sous leurs blouses blanches de laborantins, annoncés par un long discours pré-enregistré, dans un registre mi humoristique mi sentencieux, sur l’expérience musicale que nous allons vivre. Bien ! En quelques mots, Hex Girlfriend, c’est surtout une section rythmique déchaînée et ambitieuse, sur laquelle planent des fragments de voix qui n’ont rien de « chants », avec pas mal de sons pré-enregistrés pour rajouter de la chair autour. C’est spectaculaire scéniquement, James Knott le bassiste et Noah Yorke ne ménageant pas leur énergie… au point que finalement, on aime plus ce qu’on voit que ce qu’on entend ! A noter ce moment où, à force de courir et de sauter dans tous les sens au milieu de leur matériel, l’un des deux a fini par débrancher les machines en plein milieu d’un morceau : assez drôle et sympathique, en fait. Quand sur leur dernier titre, ils sont rejoints par le batteur et un guitariste de The Murder Capital, d’un coup leur musique devient plus intéressante, plus consistante, relevant moins de la pure « performance ». Comme quoi… Le public, très jeune et largement féminin, du Trianon leur a réservé un petit triomphe, ce qui est plutôt bien.
21 h : ça y est, nos « autres Dublinois » de la décennie (avec leurs potes de Fontaines DC, bien entendu) sont là ! Peu de lumière sur scène – et ça sera comme ça quasiment jusqu’à la fin du set une heure et demie plus tard – mais on voit bien le drapeau palestinien sur l’un des amplis, et les tenues pour le moins originales de chacun des musiciens : par exemple, McGovern a enfilé une jupe de grand-mère (aux couleurs de la Palestine, nous souffle-t-on…) par-dessus son pantalon… mais le pompon est remporté par Cathal Roper, l’un des deux guitaristes, qui restera encapuchonné sous plusieurs couches, et avec ses lunettes noires, jusqu’à la fin : on comprendra plus ou moins qu’il s’agit d’un challenge entre les membres du groupe… Peut-être dû au fait qu’il s’agit du dernier concert de la tournée ? En tous cas, l’absence de lumières ne nous aidera pas à immortaliser tout ça en photo…
Ne faisons pas attendre ceux qui n’ont pas assisté à ce set, plutôt généreux (19 morceaux, 90 minutes, donc) : The Murder Capital ont montré qu’ils avaient appris de leurs « erreurs passées ». Après une attaque bien agressive avec trois titres puissants (The Fall et Death of a Giant tirés du dernier album, Blindness, séparés par le classique de leurs débuts, More Is Less ), ils nous ont offert une soirée sans temps morts, avec une setlist bien construite, alternant les bombes qui ont fait chavirer la fosse – au point que le plancher du Trianon s’est transformé en trampoline comme jamais -, de longs morceaux complexes s’éloignant des canons post punks, et même quelques jolies parenthèses émotionnelles, comme en premier lieu un Love of Country très prenant, – sans doute le sommet de la soirée -, surtout après les déclarations émues (et pas trop insistantes) sur la Palestine (nous avons quand même scandé un petit peu « Free ! Free Palestine ! », tout en se demandant ce que pourrait en être l’impact…)
Du coup, impossible de s’ennuyer devant de telles variations d’atmosphère, et difficile même de ne pas prendre beaucoup de plaisir. Clairement, le groupe a atteint une sorte de maturité musicale, qui devrait leur permettre de gagner encore plus de popularité, surtout auprès de la jeunesse qui plébiscite le groupe. On appréciera que McGovern ait abaissé son niveau de « frime », même s’il reste un frontman à la limite de l’arrogance, ou en tous cas irradiant une certaine autosatisfaction. Par contre, comme on n’est jamais contents (ce problème des gens qui voient beaucoup trop de concerts !), on notera que la musique de The Murder Capital est régulièrement moins intense qu’elle ne l’était lors des débuts – même critiquables – du groupe.
Très beau final de set avec le magnifique, romantique et exalté Cling To Life avant un rappel enchaînant le sépulcral et radical For Everything, le séduisant Ethel (nous rappelant du coup que Gigi’s Recovery, bel album ambitieux, a été le laissé pour compte de la soirée), et pour finir un Words Lost Meaning aux allures de futur hymne facile à reprendre en chœur… Nous laissant tous satisfaits. Et convaincus d’y retourner la prochaine fois.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Laetitia Mavrel
J’étais présent à ce concert et globalement je partage votre analyse sur les deux groupes. Toutefois pour la tête d’affiche je trouve que les morceaux lents et longs cassaient le déroulement de la prestation. Mais ne connaissant pas leurs disques c’est peut-être tout simplement la même choses sur les enregistrements…