« Little Jaffna » de Lawrence Valin : L’infiltré de La Chapelle

Situé dans la communauté tamoule de Paris et le quartier de La Chapelle, Little Jaffna est un polar d’infiltration compensant en partie ses limites d’écriture par son énergie formelle.

Little Jaffna
Copyright Guy Ferrandis

Si Little Jaffna cite ouvertement dans son titre James Gray (Little Odessa), l’esprit du film s’envisage mieux en se souvenant que son acteur/réalisateur issu d’une famille franco-tamoule Lawrence Valin évoque en interview Les Infiltrés. Remake d’Infernal Affairs, soit d’un polar HK conçu selon son coscénariste Felix Chong comme une version réaliste du meilleur film tourné par un réalisateur HK sur sol US (Volte/Face).

Le cinéaste fait du fait d’avoir les pieds entre deux cultures aussi bien un enjeu de mise en scène qu’un thème de son film. Il y a d’un côté un filmage caméra à l’épaule faisant tendre le film vers une certaine Série B américaine réaliste. De l’autre, il y a l’inspiration du cinéma de genre indien de langue tamoule. Un cinéma incarné ici par la figure de Vijay, acteur star de ce cinéma-là tentant actuellement pour l’anecdote d’utiliser sa popularité en Inde pour percer en politique. Un acteur ici présent sur les écrans d’IPad des Tamouls de Paris, sur les écrans des salles de cinéma qu’ils fréquentent et en portrait géant sur un toit. Un cinéma aussi présent à travers le charisme de Vela Ramamoorthy, écrivain réputé de langue tamoule devenu acteur, dans le rôle du parrain.

Valin a la bonne idée de ne pas chercher le plus souvent à pasticher ce cinéma-là. Il en conserve une photographie à couleurs vives mais préfère en restituer l’esprit, l’énergie par la mise en scène et le montage. Cela fonctionne moins en revanche par exemple lorsqu’il reprend in extenso les ralentis de ces films-là (qui font passer Woo pour un cinéaste speedé) afin de faire ressentir l’état émotionnel de son héros.

Dans le quartier tamoul de Paris, Michael (Lawrence Valin) est envoyé par la police pour infiltrer un groupe criminel pratiquant extorsion et blanchiment d’argent au profit des rebelles séparatistes au Sri Lanka. D’une façon proche de ses modèles hollywoodiens, le film va passer beaucoup de temps à décrire les us et coutumes d’une communauté. Séances de films tamouls transformées en fêtes, communauté en lien permanent avec une guerre entre gouvernement srilankais et séparatistes tamouls à des milliers de kilomètres de là au travers des informations télévisées, frime et parler de banlieue, appels récurrents à la fidélité à l’identité tamoule…

Derrière cela, l’infiltration se veut le récit de la replongée de Michael, qui a choisi la voie de l’assimilation, dans ses origines tamoules et dans ses liens avec le conflit armé. Le film s’attarde tellement sur le pittoresque communautaire qu’il garde le tiraillement identitaire de Michael à l’état d’esquisse. Et le déclinera avec didactisme dans le final. Un sentiment de rester en surface en partie lié au choix d’une durée Série B ayant peut-être impliqué des coupes ?

Si cette plongée est plaisante à suivre, le film oublie aussi trop souvent les basiques du film d’infiltration : la sensation d’être pris en sandwich entre police et crime organisé, les dangers de l’attachement aux personnes fréquentées lors de la mission, la peur d’être démasqué. Enfin, les acteurs blancs ont un jeu médiocre.

Cela reste cependant une première œuvre dont les limites passent au nom de désir de cinéma présent derrière et devant la caméra.

Ordell Robbie

Little Jaffna
Film français de Lawrence Valin
Avec : Lawrence Valin, Puviraj Raveendran, Vela Ramamoorthy
Genre : Policier, Drame
Durée : 1h39mn
Date de sortie en salles : 30 avril 2025

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