« Objets célestes », de Ruby Todd : les yeux et les espoirs tournés vers une comète

A mesure qu’une comète grandit dans le ciel, celle-ci devient le réceptacle des espoirs et des peurs de chacun. L’écrivaine australienne Ruby Todd s’est librement inspirée de l’affaire de la secte Heaven’s gate en 1997 pour composer un roman inclassable traçant un orbite élégant autour de la question du deuil pour explorer les profondeurs du deuil d’une veuve.

ruby todd
© Nabeel Khan

Sylvia, la narratrice âgée de trente-deux ans ans, Sylvia tente de se remettre de la mort de son mari, tué par un chauffard qui a pris la fuite et n’a jamais été retrouvé. Elle a planifié son suicide le jour anniversaire des deux ans du décès. Mais voilà que des événements inattendus bouleversent ce plan : aux pompes funèbres où elle travaille, elle rencontre deux hommes, un mystérieux scientifique qui l’attire, et un mystique local dont le discours sectaire la fascine ; et il y a le passage d’une comète ultra brillante qui doit commencer à être visible sur Terre précisément le jour qu’elle avait coché pour mettre un terme à sa vie.

objets celestesCe n’est évidemment pas le premier roman qui évoque le deuil et le sentiment de perte. Mais Ruby Todd traite ce thème de façon très originale à travers le prisme d’une comète qui n’a pas été observée sur Terre depuis 4000 ans, personnage à part entière autour de laquelle gravite toute l’intrigue et l’évolution des personnages. Toute les potentialités du retour d’une comète qui va grossir pendant des mois pour remplir le ciel jour et nuit jusqu’à son périhélie, sont très intelligemment utilisées pour creuser la psychologie des personnages.

« A mesure qu’elle gagnait en luminosité, quelque chose enflait en moi. Une force, tout au moins une disposition au changement, comme si je me préparais à accueillir une nouvelle version de moi-même qui scintillait juste derrière l’horizon. En dépit des nombreux démons que j’avais échoué à vaincre, au plus profond de l’hiver, le gel dans mon coeur avait commencé à se fendiller, s’ouvrant à l’espoir. »

Au-delà de leur beauté, les comètes ont toujours cristallisé les réactions humaines, tantôt perçues comme des signes de destruction ou de renaissance. Ruby Todd fait de la sienne le symbole d’un moment de crise qui va précéder une révolution ou une libération, comme si le passage d’une comète pouvait changer une vie. Sylvia est ainsi animée autant par des pulsions autodestructrices faite de désespoir et colère, que de pulsions vitales la poussant à accepter de s’autoriser à vivre, être heureuse et tomber à nouveau amoureuse, d’autant plus que suite à l’accident de voiture qui a couté la vie à son mari, elle a eu une expérience de mort imminente.

L’histoire se déploie lentement dans une atmosphère étrange et mystérieuse. Pendant les deux tiers du récit, les scènes d’action propulsives sont rares. L’autrice sait créer des suspens prend afin d’examiner avec beaucoup de nuances la psyché de son personnage principal partagé entre science et foi, entre rationalité et surnaturel, avec comme point d’achoppement l’aspiration à croire à un au-delà rassurant, deux façons de regarder le monde et le ciel.

Et puis tout s’accélère audacieusement dans les cinquante dernières pages, sans qu’on est vu venir la direction prise, jusqu’à un final intense aussi poignant que peu conventionnel. Cette méditation sur le deuil, la résilience, le droit à pardonner les autres et soi, infuse toutes les pages, captant ainsi subtilement la fragilité des vies humaines, au plus près de l’intime.

Marie-Laure Kirzy

Objets célestes (Bright objects)
Roman de Ruby Todd
Traduit de l’anglais (Australie) par Juliane Nivelt
Editions Gallmeister
432 pages – 24 euros
Date de parution : 2 mai 2025

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