A près de 80 ans et juste avant une tournée européenne attendue, Neil Young réunit de vieux et récents fidèles pour un album intriguant et bancal, mais surtout porteur de jolies promesses pour la prochaine tournée.

On ne pourra pas reprocher à Neil Young son absence du marché. Rien que depuis le début de l’année 2025, ce ne sont pas moins de trois offrandes qui ont été livrées à ses fans. Nous avons eu droit à la sortie du vieil album oublié dans les tiroirs (l’indispensable countrysant Oceanside Countryside), l’album live avec réinterprétation de certains de ses classiques (Coastal Soundtrack, tout aussi sympathique), et voilà maintenant l’album studio avec de nouvelles compositions. Pour ce disque, Talkin to the Trees, Neil Young a formé un nouveau groupe qui va également l’accompagner en tournée, The Chrome Hearts. Le groupe mélange les générations, puisque Neil Young, 79 ans, est accompagné du fidèle Spooner Oldham, 82 ans, qui joue régulièrement avec lui depuis 1978 et Comes A Time, alors que le reste du groupe est plus jeune et principalement composé de membres de Promise of the Real, Micah Nelson à la guitare, Anthony Logerfo à la batterie, et Corey McCormick à la basse.
La sortie de cet album est tout sauf une surprise. Neil Young a toujours donné de ses nouvelles quand la situation politique de son pays d’adoption le nécessitait. Depuis Ohio en passant par Living With War ou Who’s Gonna Stand up ?, difficile de faire taire ce vieux bougon. Avant même la sortie du disque, le Loner avait sorti en éclaireurs Big Change, aux riffs manifestement anti Trump, et Let’s Roll Again, deux titres politiques qui semblaient préfigurer un album très combatif. Il a été beaucoup écrit sur l’attaque au vitriol contre Tesla et son « If you’re a fascist then get a Tesla » sur ce dernier morceau, qui pourtant porte moins sur la situation politique des USA que sur deux thèmes de prédilection de Neil Young : L’Ecologie et… la voiture « Come on Ford, come on GM / Come on Chrysler, let’s roll again / Build something useful, people need / Build us a safe way for us to be / Build us something, won’t kill our kids » (Allez Ford, allez GM / Allez Chrysler, roulons à nouveau / Créez quelque chose d’utile dont les gens ont besoin / Créez nous un moyen sûr d’être / Construisez-nous quelque chose qui ne tuera pas nos enfants). Neil Young, qui a, rappelons-le, enregistré un concept album complet sur sa Lincoln de 1959 (Fork in the Road), et souvent mentionné sa passion des voitures (I Want to Drive my Car, sur Storytone), rappelle une nouvelle fois l’importance des énergies propres et son amour des voitures. Silver Eagle poursuit sur le même sujet car il s’agit ni plus ni moins que d’une chanson d’amour à son bus de tournée, qui est « une partie de lui ».
L’album n’est donc pas le brûlot politique attendu, et part dans tous les sens tant au niveau des paroles que du style musical. Quatre titres n’auraient pas dépareillé un Harvest Moon II et sont dans la veine folk : First Fire of Winter, qui reprend globalement la mélodie de Helpless, Silver Eagle donc, Talkin to the Trees et surtout Thankful dont l’intro est très proche de celle d’Harvest Moon, et qui conclut parfaitement l’album. La présence de Spooner Oldham qui officiait également sur Harvest Moon n’est pas étrangère à cette tonalité. Ces titres sont très troublants, car la voix de Neil Young y semble rajeunir et avoir été enregistrée il y a 20 ans. Ces ballades sont indiscutablement les meilleurs moments de l’album, et en justifient l’achat pour tous les afficionados.
On se permettra d’être plus sceptique sur les deux titres d’ouverture, Family Life et Dark Mirage. Neil Young y évoque sa famille : « Might be one I wrote for Ben / Who always smiles when I sing to him… Maybe one I wrote for my man Zeke / Who’s growing tall and strong and free… Singing for my best wife ever / The best cook in the world ». Daryl Hannah réduite à son rôle de cuisinière appréciera… On y apprend surtout la frustration de Neil Young de ne pas avoir de relations avec ses petits-enfants. Dark Mirage enfonce le clou « I lost my little girl… I lost my grandchildren, though / In the dark mirage » sur fond de rock garage énervé tout sauf indispensable.
Movin Ahead a également peu de chance de figurer sur les futures compilations dédiées à son auteur. Il en va tout autrement de Bottle of Love, magnifique ballade jazzy magnifiée par Spooner Oldham.
Talkin to the Trees n’est donc assurément pas le chef d’œuvre de fin de carrière que l’on souhaitait. Il comporte néanmoins suffisamment de bonnes chansons pour combler des fans qui ne s’attendent plus depuis longtemps à un nouveau On the Beach. Son principal intérêt à ce jour est de montrer que Neil Young a réuni le groupe le plus cohérent possible pour que la tournée soit excellente. Micah Nelson était déjà le remplaçant de Nils Lofgren dans la dernière incarnation de Crazy Horse, Spooner Oldham est un tueur, et de fait ça joue très bien sur cet album.
Nous nous rendrons dons avec beaucoup d’espoir à l’Adidas Arena le 13 juillet prochain pour rendre au Loner l’hommage qu’il mérite pour l’ensemble de son œuvre.
Laurent Fegly