Avec The Black Dog and the Wandering Boy, James McMurtry continue de creuser le sillon d’un Blues Rock classique sur lequel il pose des textes évoquant une littérature américaine aimée dans l’hexagone.

James McMurtry, c’est d’abord le fils de feu Larry McMurtry. Un de ces écrivains de l’Americana adorés en France, au même titre que Cormac McCarthy et Jim Harrison. L’auteur du livre La Dernière Séance (que j’apprécie alors que j’ai du mal avec sa célébrée adaptation ciné par Bogdanovich). Le coscénariste de l’adaptation par Ang Lee de la nouvelle Brokeback Mountain, aussi. Depuis un premier album datant de 1989, le travail du fils James a été plusieurs fois évoqué par la critique française: articles des plumes de Libération Philippe Garnier et Serge Loupien dans les années 1990-2000, mention par Bruno Juffin dans un papier des Inrocks de la fin des années 1990 sur les héritiers du Boss. Et il compte parmi ses laudateurs le romancier Stephen King.
Accompagnés par un Blues Rock basique, les textes de James McMurtry ont cette capacité à faire immédiatement visualiser un lieu, une situation, une atmosphère. Comme dans le cas par exemple de Red Dress, à écouter dans sa version du Live in Aught-three lui rendant plus justice que la version studio. Une robe rouge, la moiteur sensuelle du Sud et l’envie d’imaginer une histoire d’amants voulant liquider le mari comme dans une bonne vieille Série Noire. Mais le morceau a aussi dans ses atouts un riff de guitare qui pourrait accompagner sur grand écran un plan de personnage en fuite s’arrêtant en bord de route en plein Texas. On recommanderait d’ailleurs l’ensemble de l’album live comme porte d’entrée dans l’univers du songwriter plutôt que des albums studio au travail de production inégal.
Venons-en au nouvel album, The Black Dog and the Wandering Boy. Débutant et s’achevant par une reprise. Mais autant quelqu’un qui aurait oublié que Kris Kristofferson a écrit Broken Freedom Song reconnaîtrait la patte mélodique du countryman/acteur dans la reprise de fin d’album, autant le Laredo (Small Dark Something), repris de Jon Dee Graham en ouverture, ressemble trait pour trait à un morceau de McMurtry. Musicalement… et rayon paroles bien sûr: une voiture en route pour la ville située à la frontière mexicaine du titre, des yeux défoncés, un motel…
South Texas Lawman suit naturellement. Le portrait d’un Ranger nostalgique du bon vieux temps où il pouvait user des poings en toute impunité. Pas besoin de grandes poses anti-trumpistes, nous mettre dans la peau du personnage suffit à faire fonctionner la satire. Si Annie n’est pas le meilleur titre de l’album, il vaut parce que le mille fois chanté/raconté (le lendemain du 11 septembre, les piques à George W. Bush) est narré avec un vrai souffle romanesque.
Comme nous y invite la reprise finale, on pourrait faire de McMurtry un héritier de la sensibilité progressiste version seventies de la Outlaw Country (Kristofferson, Waylon Jennings, Guy Clark…). Comme avec Sons Of The Second Sons, morceau rembobinant l’histoire des Etats-Unis sans en nier la face noire. Pour l’anecdote, Charlie Sexton joue du Cümbüş, instrument turc à cordes pincées, sur le morceau. Sexton, interprète du morceau Graceland entendu dans True Romance et guitariste de scène de Dylan.
Sur un terrain plus intime, le morceau titre est quant à lui inspiré par une anecdote de la belle-mère de James McMurtry. Ayant sombré dans la démence bien avant de mourir, Larry n’avait jamais parlé à son fils de ses hallucinations. Et bien sûr pas de ses deux favorites: le chien noir et le garçon errant, intégrés par le fils dans sa chanson.
Un album loin du chef d’œuvre. Mais ce n’est pas ce qu’on attend de McMurtry. Juste de maintenir en vie un certain art de conter guitare à la main vieux comme la musique populaire de son pays.
Ordell Robbie