« 28 ans plus tard » de Danny Boyle : autopsie d’un navet

Le seul plaisir qu’on pourra prendre en regardant l’épouvantable 28 ans plus tard, c’est bien de se réjouir à l’avance de tout le mal qu’on pourra ensuite en dire. Car il n’est pas si fréquent de rencontrer des films aussi mauvais : cela mérite bien un article !

28 ans plus tard
Aaron Taylor-Johnson, Alfie Williams – Copyright 2024 CTMG, Inc. All Rights Reserved.

Il faut bien reconnaître que, même si on fait sa mauvaise tête de temps en temps, il est rare de rencontrer, quand on voit plusieurs films par semaine, quelque chose qui se rapproche du zéro absolu en termes de cinéma. Dans lequel on est bien en peine de trouver quoi que ce soit de « sauvable ». Devant lequel on a passé des moments réellement pénibles, sans espoir aucun de compensation… si ce n’est le plaisir – assez malsain, en fait – qu’on ressentira ensuite en en disant tout le mal qu’on en a pensé ! Mais le dernier Danny Boyle – un réalisateur souvent coupable d’excès fatigants, on le sait depuis toujours – bat littéralement tous les records, et tient la corde pour être célébré comme LE NAVET absolu de 2025, alors qu’on n’en est qu’à mi-année…

28 ans plus tard afficheTout le monde sait que 28 ans plus tard est le troisième volume de la « saga post-apocalyptique » créée en 2002 par Boyle (à la réalisation) et Alex Garland (au scénario) avec 28 jours plus tard, après le sequel non conçu par notre paire de plaisantins, mais confié à une équipe internationale, 28 semaines plus tard. Dans cette saga, le Royaume Uni a été dévasté par une pandémie provoquée par des scientifiques imprudents, qui a vu déferler des hordes de « zombies » ou plus exactement des « enragés ». 28 ans plus tard, on nous annonce dans un clin d’œil facétieux à la catastrophe qu’a été le Brexit, que l’Europe a réussi à se débarrasser de la pandémie, que la Grande-Bretagne est désormais une île abandonnée à son destin par l’Europe et le reste de la planète. Alors qu’une communauté a réussi à survivre sur une petite île en revenant à un mode de vie moyenâgeux, nous allons suivre les aventures en « territoire zombie » de Spike (Alfie Williams, mignon tout plein…), un presqu’ado qui doit « découvrir le monde », puis veut sauver sa mère malade. Pourquoi pas ?

Sur ces prémisses assez banales, mais pas plus bêtes qu’autre chose, Boyle et Garland ont réussi à construire un « objet » aberrant, inepte, défaillant à tous points de vue, ce qui constitue une sorte de record. Car le ratage est complet, que l’on parle du scénario, de la réalisation, de l’image, du son, du montage ou de l’interprétation : zéro pointé dans tous les domaines ! Livrons-nous à un inventaire en règle de tout ce qui ne va pas.

Il y a à l’origine, derrière ce troisième volet, une sorte de concept, quelque chose comme « le futur de l’humanité, c’est le retour au Moyen-Âge » : pour être sûr qu’on ait bien saisi la profondeur de cette pensée, Boyle nous fait son petit Luc Besson d’Outre Manche, et nous injecte régulièrement des images « d’archives » ou de vieux films (?), sensées être signifiantes, entremêlées à celles décrivant la communauté primitive où vivent Spike, son père pas fufute mais belliqueux, et sa mère qui a mal à la tête et a des pertes de connaissance. Mais, de toute manière, l’image de 28 ans plus tard (filmé partiellement à l’aide d’un iPhone, paraît-il, alors que le budget est plus que confortable), est d’une laideur et d’une incohérence déconcertantes, nous décourageant d’emblée de trop nous endommager la rétine en détaillant ce qui se passe à l’écran. Quant au montage complètement erratique, il détruit les quelques scènes qui pourraient surnager dans ce gloubi-boulga indigeste, et se voit encore aggravé par un mixage sonore absurde et harassant, véritable épreuve pour les oreilles du spectateur qui s’est déjà résigné à fermer les yeux !

Si les deux premiers films de la saga étaient loin d’être des chefs d’œuvre, ils étaient sauvés par leur brutalité, par leur intensité, et on réalise que Boyle et Garland avaient décidé de poursuivre la même approche, en s’affranchissant des codes pépères du cinéma mainstream : c’est un parti pris louable, mais qui ne fonctionne que très rarement, tout simplement parce que l’histoire qu’on nous raconte est faible et incohérente, et parce que, répétons-le, le montage est littéralement cauchemardesque, rendant irregardable une vaste majorité des scènes de tension ou de violence.

L’introduction de nouveaux types d’infectés ne donne lieu qu’à des résultats ridicules – que ce soit les obèses rampant se nourrissant de lombrics ou les « alphas » sensés être terrifiants, mais qui rappellent surtout le Tarzan de notre enfance, « modernisé » par Hollywood. Le film, à la manière des pires slashers décérébrés dont nous aimons nous moquer, fait enchaîner à ses personnages les décisions stupides, juste pour qu’avance l’intrigue. Garland et Boyle ont aussi l’idée absurde d’injecter des scènes comiques, voire même des « cheap laughs » çà et là, en dépit du bon sens, désamorçant les montées en tension.

Mais c’est quand le grand Ralph Fiennes apparaît, tout badigeonné de mercurochrome (« iodine ») que la coupe déborde ; on souffre qu’un tel acteur se voit ainsi ridiculisé… Boyle, c’est vrai, ralentit la course folle de son train fantôme délabré pour lui accorder un peu d’espace et de temps pour jouer, ce qui est un moindre mal… avant de l’abandonner à son sort (il semble qu’il puisse être le héros du prochain film de la saga, prévu pour l’année prochaine, qui s’intitulerait : 28 Years Later – The Bone Temple).

Et on en arrive à la fin du film, grand « wtf » qui a au moins le mérite de nous faire rire de bon cœur : l’apparition de ninjas peroxydés habillés de survêtements de couleurs (sensés rappelés l’allure des Teletubbies, on l’a compris) est un immense moment « non-sensique », qu’on aurait apprécié chez Quentin Dupieux, mais qui ne traduit ici que la perte totale de contrôle de Boyle et Garland sur leur projet.

Eric Debarnot

28 ans plus tard (28 years later)
Film britannique (co-production US) de Danny Boyle
Avec : Alfie Williams, Aaron Taylor-Johnson, Jodie Comer, Ralph Fiennes…
Genre : horreur
Durée : 1h55
Date de sortie en salles : 18 juin 2025

11 thoughts on “« 28 ans plus tard » de Danny Boyle : autopsie d’un navet

  1. Bonjour,
    En débit du bon sens n’existe pas.
    28h plus tard n’existe pas non plus.
    Les fautes d’orthographe sont nombreuses.
    Il faut vous relire sérieusement pour gagner en crédibilité.

    1. Merci ! C’est vrai que cette critique a été écrite un peu vite ! Et vous avez raison sur la question de crédibilité. Je relis ça tout de suite, et souhaite néanmoins que nous vons conservions comme lecteur !

    2. Perso, je la trouve très bien faite et sympa cette chronique et ça donne encore plus de crédibilité au site qui ne l’est pas toujours dans ses avis (surtout musicaux). Ensuite les fautes signalées ci-dessus ne sont pas d’orthographe. Et il est sûr que c’est plus cool d’écrire sur un navet que de développer sur un album de Penderecki.

  2. Bonjour ,
    je n’ai pas vu le film et suis par contre assez étonné par la virulence de votre critique. En discutant avec des personnes qui l ont vu et en lisant les critiques sur le sujet, on semble assez loin de ce que vous décrivez. Je vais donc me faire ma propre idée. Les critiques bazooka font vendre/lire…c’est assez à la mode en fait…la nuance, c’est bien aussi parfois. Bonne suite…

  3. Beaucoup de films au montage excité sont impossibles à regarder. Une question quand même: pourquoi réaliser ce genre de film ? L’horreur et la violence, le climat de tension relatif à ce sujet ont déjà été fait et réussi ailleurs. C’est à se demander ce que cherche réellement Hollywood pour nous asséner encore et encore après toutes ces années de blockbusters, ses visions d’une réalité où la violence, soubassements, et réflexions malsaines ou dirigées dominent, en étayant rarement d’autres aspects de la vie, plus humains et positifs. Mais bon, c’est une machine à fric, et il faut bien nous endormir pour nous contrôler un petit peu.

  4. Le seul plaisir qu’on pourra prendre en lisant l’épouvantable article sur 28 ans plus tard, c’est bien de se réjouir à l’avance de tout le mal qu’on pourra ensuite en dire. Car il n’est pas si fréquent de rencontrer des critiques et analyses aussi mauvaises : cela mérite bien un article !

    Un naufrage critique : ou comment flinguer un film sans jamais vraiment le regarder

    Si l’on devait résumer cette critique de 28 ans plus tard en une phrase, ce serait : « Je n’ai rien aimé, donc rien ne vaut la peine d’être sauvé, donc tout est nul ». À ce degré de simplification intellectuelle, on ne sait plus très bien si on lit une analyse de cinéma ou le journal intime d’un grincheux qui s’est levé du mauvais pied.

    Le critique, sûr de son dégoût comme un enfant capricieux qui boude ses brocolis, nous offre ce qui ressemble plus à un règlement de comptes personnel qu’à une réflexion construite. La formule d’ouverture, qui jubile d’avance à l’idée de « tout le mal qu’on pourra ensuite en dire », pose d’ailleurs le ton : ici, la mauvaise foi n’est pas un biais, c’est une méthode. Un fond de commerce.

    Mais ce qui frappe surtout, c’est l’absence de regard critique structuré : les arguments sont jetés à la truelle, sans nuance, sans hiérarchie, comme si une accumulation de superlatifs négatifs suffisait à faire office d’opinion. Il n’y a pas de contrepoids, pas d’effort de contextualisation, pas même la prétention d’une grille d’analyse. Le film est « laid », « inepte », « erratique », « absurde », « ridicule »… Très bien, mais encore ? Le critique condamne, mais n’analyse pas. Il invective, mais n’interroge rien. Il pose des étiquettes là où on attendait des idées.

    Le passage sur le Brexit est traité avec la finesse d’un tract de comptoir, et celui sur l’esthétique du film avec la hauteur de vue d’un commentaire YouTube (« on filme à l’iPhone maintenant, lol »). Il est bien plus commode, il est vrai, de moquer l’usage d’un téléphone comme outil de tournage que d’interroger ce choix en termes d’intention visuelle ou de rapport au réel.

    Quant à Ralph Fiennes, sa simple présence semble irriter le critique comme une tache de vin sur une nappe blanche. Il n’est pas jugé sur son jeu, mais sur ce que le critique projette comme « indignité » à son apparition. On ne sait pas si c’est le film qui est jugé ou si c’est la trahison d’un acteur vénéré qui provoque cette ire. L’objectivité, elle, a quitté la salle bien avant la fin du film.

    Même les moments volontairement absurdes – les ninjas Teletubbiesques, par exemple – qui pourraient, dans un autre contexte, être perçus comme des audaces de mise en scène, sont ici expédiés avec un haussement d’épaules fatigué. Quand on n’a plus de mots, on convoque Quentin Dupieux pour faire croire qu’on connaît un peu le second degré.

    Au final, cette critique souffre du même mal qu’elle reproche au film : un chaos d’idées mal articulées, une haine mal canalisée, un manque de direction et un ton qui oscille entre sarcasme vide et mépris théâtral. Elle ne dit pas tant pourquoi le film est mauvais que combien le critique a pris plaisir à le mépriser. Le vrai spectacle ici, ce n’est pas le film de Danny Boyle – c’est l’auteur qui se donne en spectacle lui-même.

    1. Je trouve ce commentaire bien trop long, excessif et même ridicule pour grand-chose. En plus on pourrait même te reprocher ce que tu reproches à l’auteur de la chronique (dans le dernier paragraphe surtout). En fait le vrai spectacle dans ton texte, ce n’est pas le film – c’est toi qui te donnes en spectacle toi-même.
      Perso si une chronique m’a donné envie d’aller voir un film, elle est réussie. C’est le cas avec celle-ci.

      1. Merci pour ton retour, je comprends ton point de vue. Mon intention n’était pas de me donner en spectacle, à défaut de la critique originale, mais de souligner ce que je trouvais être un manque de rigueur critique dans l’article. Si cette chronique t’a donné envie bizarrement de voir le film, tant mieux : c’est peut-être là qu’elle réussit, en effet. On n’a juste pas la même manière d’aborder ce qu’on attend d’une critique, et c’est très bien ainsi.

        1. Mon cher Fred, l’exercice critique est passionnant et difficile, surtout quand on est soi même passionné de cinéma. Il convient pour rester pertinent de changer également de style et d’approche en fonction des films, des genres de cinéma, et de nos goûts personnes. Le grand art, c’est d’arriver à être sincère et inspirant en appliquant une grille de lecture cohérente de film en film. C’est ce que j’ai essayé de faire en m’en prenant au film de Boyle : il représente tout ce que je hais dans le cinéma, et, même si je conçois très bien que l’on peut l’apprécier, je ne voulais pas faire une critique tiède sur un film qui m’a autant révolté. Par contre, là où j’ai échoué certainement, c’est en n’injectant pas assez d’humour dans mon texte. Après, il y a chez Benzine des styles critiques différents, et c’est bien ça qui correspond à notre vision de notre humble « travail ». D’ailleurs, je te répondrai pour finir ce que je réponds à tous ceux qui viennent de temps en temps nous insulter parce que nous n’aimons pas la même chose qu’eux : nous sommes en permanence à la recherche de rédacteurs, et nous accueillant bien volontiers les volontaires, pourvu qu’ils soient intègres, passionnés… et qu’ils sachent écrire !

          1. Merci pour votre réponse, et pour l’invitation pleine d’ironie à rejoindre vos rangs – je décline poliment, mais je note l’ouverture d’esprit. Je lis régulièrement Benzine, justement parce que j’y trouve souvent des plumes de qualité, des regards variés, et parfois même des critiques inspirantes. Ce qui rendait celle sur 28 ans plus tard d’autant plus surprenante : non pas pour son franc-parler (que je respecte), mais pour son manque d’argumentation solide derrière la colère affichée.

            Tu dis vouloir appliquer une grille de lecture cohérente d’un film à l’autre, mais ici, tout semble dicté par le dégoût plus que par une réflexion construite. Et tu me reproches l’excès de ma réaction en m’expliquant que toi-même tu as « choisi » l’outrance parce que le film te révoltait ? C’est une contradiction amusante. On dirait que la passion justifie l’excès pour toi, mais le décrédibilise chez les autres.

            Cela dit, je comprends mieux ton intention, notamment l’envie de ne pas faire une critique tiède. Mais justement, la force d’un bon critique, ce n’est pas seulement de dire ce qu’il ressent – c’est de le transmettre avec lucidité, recul, et une certaine forme de générosité, même dans le désaccord. Sinon, ça devient du défouloir stylisé.

            Bref, pas de rancune : je continuerai à lire Benzine avec plaisir… et à réagir parfois, passionnément mais respectueusement.

          2. Il n’y avait en fait aucune ironie dans mon invitation, nous sommes en permanence à la recherche de contributeurs, et plusieurs commentateurs nous ont ensuite rejoints. Bien cordialement !

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