Dans un monde ravagé, une femme et un robot protègent un enfant contre une IA hostile et luttent pour survivre. Après les très beaux Judas et Dernier Jour de Howard Phillips Lovecraft, 404 Éditions publie un nouvel ouvrage du talentueux Jakub Rebelka.
Dans un monde post-apocalyptique, aidée d’un seul robot, Chloé élève un gamin. Or, la nature lui est ouvertement hostile, ils sont contraints à se cacher. Nous découvrons qu’une intelligence artificielle a pris le contrôle de la planète, le « réseau » a fusionné avec la faune et la flore, avant d’éradiquer l’espèce humaine. L’homme a disparu depuis près de 1000 ans. Or, David, le jeune héros, en porterait toute la responsabilité. Manifestement cloné, il retrouve enfin la mémoire du savant dont, jadis, l’hubris a été à l’origine de la catastrophe. Avec lui, l’humanité pourrait disposer d’une seconde chance.
Comme à l’accoutumé, l’éditeur 404 Éditions surprend agréablement son lecteur par le grand format, le papier épais et le cartonnage de couverture. Les décors, souvent en pleines pages, sont magnifiques.
Le trait anguleux de Jakub Rebelka est très beau, mais, pour le passionné, et seulement lui, inabouti. D’une planche à l’autre, il semble hésiter entre précision et impressionnisme. Je m’explique. Prenez les premiers albums de Corto Maltese, le travail de Hugo Pratt est très bon, mais le lecteur averti, qui connaît et admire sa production ultérieure, est déçu. L’amateur déplore les hachures et le travail encore trop classique des ombres et des silhouettes, car il sait où aboutira son travail. Le dessin est prometteur, mais la promesse inachevée. Or, Origines est un album publié avant Judas et Lovecraft.
Le scénario est captivant. Pas moins de trois auteurs ont travaillé le sujet, avant de le confier au scénariste et romancier Clay McLeod Chapman. Ils sont tous issus du monde du cinéma, leur travail s’en ressent. Très ambitieux, Origines aurait mérité un long métrage, mais le ton, trop sombre, à probablement effarouché les producteurs hollywoodiens. Bien que généreux, le format peine à répondre à leurs attentes. Les nombreuses ellipses fragilisent la construction savante. David vieillit vite et, pour être aguichants, les sujets abordés sont un peu trop rapidement traités.
Comme dans Judas, les auteurs n’hésitent pas à filer des références bibliques. Le choix du prénom alors est curieux, car le jeune David évoque plus un dernier Adam ou un fragile Messie, avant de se muer, une fois vieilli, en patriarche inquiet pour notre avenir, que l’orgueilleux roi juif.
Plus sérieusement, Origines multiplie les hommages aux classiques de la science-fiction dépressive, de Terminator de James Cameron, au Fils de l’homme d’Alfonso Cuarón, en passant par Je suis une légende de Richard Matheson. Abordant frontalement l’obsolescence de l’homme, le transhumanisme ou l’hybridation homme/machine, le scénario multiplie les audaces et les questions, sans toujours y répondre… Ce qui n’est pas un reproche, il laisse le lecteur se forger son propre avis. Ce qui n’est pas simple, le sujet est complexe, car si l’IA a su maintenir le monde en paix – ce qui n’est pas rien, l’homme n’en a jamais été capable – elle a accouché d’un univers figé. Le temps semble avoir disparu. Doté d’un inquiétant libre-arbitre, seul l’humain est capable de créativité. Lui seul sait créer ou détruire. Lui seul peut se donner et aimer. Le « réseau » le sait et le craint. L’affrontement est inéluctable.
Stéphane de Boysson
Origines
Scénario : Clay McLeod Chapman
Dessin : Jakub Rebelka
Éditeur : 404 Éditions
168 pages – 24,90 €
Parution : le 15 mai 2025
Origines — Extrait :
