Avec une seconde saison délocalisée en Europe et qui tente de renouveler le principe de la série en la mâtinant de thriller psychologique, Nine Perfect Strangers ne fait malheureusement que confirmer l’absurdité de son concept de base.

La première saison de Nine Perfect Strangers faisait a priori assez envie : un casting en or, avec des pointures comme Michael Shannon ou Melissa McCarthy réunies autour d’une Nicole Kidman dont l’étrangeté « naturelle » est devenue de plus en plus effrayante, et un mélange attrayant d’humour embarrassant et de pistes psychologiques. Avec la caution du showrunner David E. Kelley, le responsable de la réussite de Big Little Lies, d’ailleurs adapté d’un livre de la même autrice, Liane Moriarty, qu’est-ce qui pouvait aller mal ? Eh bien à peu près tout ! Huit épisodes plus tard, la consternation régnait devant une série qui s’était égarée dans un dédale de rencontres et de conversations sans intérêt, de conflits conventionnels, le tout filmé de manière lisse comme si nous avions affaire à un long, long clip publicitaire pour Tranquillum, justement. Le tout aggravé par une fin, ratée et lénifiante, qui nous faisait jurer qu’on ne nous y reprendrait plus !
David E. Kelley et John-Henry Butterworth ont dû se rendre compte de leurs erreurs (en dépit d’une réception pas si défavorable aux USA – nous ne comprendrons jamais les Etats-Uniens !), car ils nous offrent, quatre ans plus tard, une seconde saison qui, a priori, rebat les cartes et semble déterminée à partir dans une direction différente.
Les showrunners ont d’abord délocalisé leur nouvelle histoire en Europe, dans les Alpes de l’extrême Sud de l’Allemagne (ou de l’Autriche ?), ce qui permet de rompre avec le caractère extrêmement « américain » de cette approche caricaturale de la thérapie, mais également avec les atmosphères de carte postale ensoleillée (rappelant celles de The White Lotus) de la première saison. Avec une image sombre (trop sombre, souvent, par exemple dans certaines scènes-clé du dernier épisode, quasiment illisibles), une atmosphère lugubre, des personnages de nationalités diverses, et le panorama régulièrement splendide des montagnes enneigées, cette seconde saison tranche de manière saine avec la première.
Mais, au delà du cadre de cette nouvelle « session de thérapie de groupe », aidée par l’utilisation de substances psychotropes, Kelley et Butterworth – libérés de la nécessité de coller à un roman pré-existant – ont centré la saison sur le personnage de Masha (Nicole Kidman, qui a, du coup, plus de matière sur laquelle utiliser son talent d’actrice, toujours remarquable), dont on explorera cette fois le passé, et dont on comprendra mieux la trajectoire, les motivations, la personnalité. Le tout dans une atmosphère de thriller, puisque le fait de réunir, dans un lieu aussi isolé que cet hôtel étrange dans une station de ski perdue, neuf « complets étrangers » cache une machination plus retorse qu’il n’y paraît. Ajouter le personnage mystérieux de la « mentor » de Masha (Lena Olin, toujours aussi fascinante malgré les années) et un antagoniste fort comme un impitoyable milliardaire – typique de notre époque – bien incarné par Mark Strong, est une idée intéressante… Même si ce nouveau « focus » de la série prive finalement les autres protagonistes de « temps à l’écran », et les rend pour la plupart plutôt creux : on voudra bien faire une exception pour le ventriloque Brian (Murray Bartlett, toujours aussi crédible) et pour la singulière nonne qu’est Agnes (Dolly De Leon), mais pour les autres « patients », ça ne passe vraiment pas !
La série avance ainsi tant bien que mal d’épisode en épisode, certains plus réussis que d’autres, sans nous réellement nous passionner, pour venir finalement se planter dans un dernier épisode totalement désastreux, qui réussit le coup de force de nous noyer dans les mêmes poncifs sirupeux que la première saison, tout en créant un retournement de situation ridicule et vain, qui ne sert clairement qu’à justifier l’existence d’une troisième saison…
… Que l’on prendra soin d’éviter, cette fois !
Eric Debarnot