Comment lutter dans un pays où les instruments de contrôle sont affreusement modernes ? Qu’est-ce qui pourrait collectivement nous sauver ? Entre fiction et réalisme, la dystopie de Bloom de Julia Billet et Jérôme Ruillier n’en est que plus envoûtante.

Manifestation. Répression policière et engagement militant. Au début on pense se plonger dans un récit critique inscrit dans le réel de cette France du XXIe siècle. Puis ça bascule. Le pays est devenu un régime autoritaire où les capacités technologiques permettent des modalités de contrôle social avancé. Il y a la peur mais l’action, et Véra et Farès, deux jeunes opposants, prennent régulièrement des risques pour leur vie. Ils sont soutenus par Albert Hermann, le grand-père du jeune homme, du nom d’un anthropologue connu, mais qui tient ici plus du sage, voire du prophète.
Ce qu’on appelle communément la « crise écologique » est devenue un cataclysme écologique et les phénomènes physiques qui s’enclenchent sont plus mystérieux que naturels. Au milieu de ce monde dystopique, la petite sœur de Véra, atteinte d’une maladie inconnue, qui semble planer dans sa bulle, mais qui pourrait peut-être constituer une des clés, finalement, pour changer le monde. « Cent personnes seulement seraient ainsi à même de changer le monde » alpague la seule phrase de la quatrième de couverture.
Cette BD est avare en dialogues et laisse de la place à l’imagination pour qu’elle se déploie au fur et à mesure des pages. Le dessin au crayon à papier reflète la grisaille qui s’est emparée de cette société. Mais des tâches d’espoir en couleurs résident dans la représentation de divers animaux. Le bleu des méduses revient régulièrement pendant les nuits de la petite. Métaphore du rêve d’un changement, ou la nature qui se défend, on ne sait pas très bien. Enfant au pouvoir surnaturel, médium, ou liens obscurs qui se tissent entre tous les aspects du vivant, ce n’est pas clair. Rien n’est finalement si clair. Mais c’est beau.
Il y a un peu de Princesse Mononoké de Miyazaki, dans les ces liens énigmatiques entre espèces animales, végétales, humaines. De la science fiction, Bloom oscille souvent avec le réel, et nous emmène dans un conte empreint de questionnements contemporains. Où l’action et le rejet du renoncement sont centraux. Parce que la théorie du centième singe pourrait bien s’appliquer aux humains.
Marie Mouline
Bloom
Scénario : Julia Billet
Dessin : Jérôme Ruillier
Editeur : Virages graphiques
154 pages – 23 euros
Parution : 19 février 2025
Bloom — Extrait :
