[Live Review] Jeanines, The Gentle Spring et Lightheaded au Supersonic (Paris)

Grosse fête pop et parisienne hier soir au Supersonic, avec un événement Paris Popfest qui nous permettait de retrouver, entre autres délices, les New Yorkais de Jeanines, qui ne passent pas si fréquemment par la France !

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Jeanines au Supersonic – Photo : Eric Debarnot

Grosse affiche ce soir au Supersonic pour les amateurs de « vraie pop » (rien à voir avec ce qui réjouit les populations globales contemporaines, soyons bien clairs), offerte par le Paris Popfest. Du coup, lesdits amateurs se sont déplacés en masse dès l’ouverture des portes, ce qui fait bien plaisir (mais ce qui n’éradiquera pas totalement le problème habituel du Supersonic, le bruit des voix de gens qui ne sont là que parce que c’est gratuit et qui discutent au bar…).

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20h00 : En tous cas, le premier groupe, Lightheaded, jouera déjà devant une salle comble, ce qui fait plaisir, d’autant qu’a posteriori, on pourra penser que ce sont eux qui nous auront offert la plus belle expérience de la soirée. Bon, il ne faut pas confondre Lightheaded, groupe d’indie pop, tendance « jangle pop » (pour les spécialistes), voire dream pop, originaire du New Jersey, avec le presque homonyme Light Headed, beaucoup plus « moderne », et nettement moins agréable à nos oreilles. Le duo de base (Cynthia Rittenbach et Stephen Stec) est accompagné d’une bassiste / chanteuse (qui déclarera qu’elle ne parle pas sur scène !), et d’un batteur inconnu, mais qui fera un très bon travail, bravo à lui. Le look « ordinaire » et les attitudes scéniques « 100% amateur » du groupe ne sont pas une surprise, mais s’avèrent très drôles et très sympathiques, et surtout parfaitement en phase avec l’exécution, que l’on pourra qualifier généreusement d’imparfaite, de chansons qui sont, pour la plupart, absolument magnifiques. Pour les influences, ils citent d’habitude The Pastels, Belle and Sebastian, ce qui ne surprendra personne, mais aussi les fabuleux Feelies, dont on retrouve la marque sur les quelques chansons qui accélèrent le rythme.

2025 07 16 Lightheaded Supersonic (7)Ils nous offrent près de trois quarts d’heure enchanteurs, légers et élégants, avec une setlist composée en partie d’extraits de leur ravissant dernier album (Thinking, Dreaming, Scheming, qui est une sorte de compilation de titres composés depuis les débuts du groupe), complétés par des morceaux qui nous sont inconnus (de nouvelles chansons ou bien d’autre joyaux tirés de leur hotte de Père Noël). Difficile de sortir un morceau particulier du set, mais disons que The Garden nous a semblé d’une efficacité pop imparable. Et que le final désordonné et agité (Stephen’s Song ?) a montré que le groupe pouvait aussi faire bouger le public, pas seulement le charmer. Bon, prévenons les « non-amateurs » de ce genre de musique particulière, ça chantait particulièrement faux ce soir sur scène : pour nous, ça fait partie du charme, mais on a le droit de trouver ça irritant…

21h 00 : Avec The Gentle Spring, bien qu’on parle d’un trio qui n’a sorti qu’un album, on change nettement de registre : d’abord parce qu’on revient de ce côté de l’Atlantique avec une formation folk anglo-française, mais surtout parce que la figure centrale en est le quasi-légendaire – une légende pointue et confidentielle, on vous l’accorde, mais quand même ! – Michael Hiscock de The Field Mice, pas moins !

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Notre niveau d’attente est encore monté d’un cran, surtout parce que l’album, Looking Back At The World, contient son lot de très belles chansons, comme l’accrocheur Untouched qui nous est servi d’entrée, ou surtout le bouleversant I Can’t Have You As a Friend, qui constituera sans surprise le sommet du set. Techniquement, ça tranche avec Lightheaded, tout étant parfaitement en place, et les voix de Michael et d’Emilie aux claviers étant impeccables. Pourtant, paradoxalement, il y a moins d’émotion qui se dégage de ce set que ce qu’on attendait (car qu’est-ce qu’on aime cet album !) : trop de maîtrise peut-être ? un manque d’empathie de la part de Michael, qui est sans doute crispé par cette configuration du Supersonic, pour ce qui sera l’un des très rares concerts donnés par le groupe en France cette année ? On essaiera de les revoir, néanmoins, pour corriger cette impression en demi-teinte.

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22h00 : Retour à New York et à la pop indie à guitares électriques avec Jeanines, la sensation du moment. Le duo bizarroïde formé par Alicia Jeanine, qui chante – d’une voix très haute et bien posée – et joue de la guitare électrique – qu’elle hésite toujours à accorder ! – et Jed Smith, cantonné sur scène à la batterie, est désormais complété d’une bassiste qui renforce les vocaux avec beaucoup de grâce. On n’est pas si loin du style musical de Lightheaded, The Pastels étant là encore cité comme influence, mais en plus « professionnel », plus rentre-dedans même, en particulier grâce au travail très démonstratif de Jed derrière ses fûts : alors que sur disques, la batterie est légère et discrète, sur scène, elle devient monstrueuse, avec des roulements qu’on associe plutôt au style de Keith Moon. D’ailleurs Jed est clairement du genre « expansif », voire même un peu « bully » : il parle, il parle, et a plutôt l’air de diriger les opérations, Alicia se tournant vers lui entre chaque titre. C’est probablement injuste d’écrire ça, mais, vu du premier rang, on aurait aimé un peu plus de discrétion…

2025 07 16 Jeanines Supersonic (11)Les chansons de Jeanines sont quasiment toutes excellentes, en tenant en compte le fait qu’elles durent en moyenne… une minute et demie ! Une formule assez provocatrice, finalement, qui se révèle plus inconfortable sur scène que sur album : difficile de rentrer dans le concert quand toutes les deux minutes, maximum, la musique s’arrête et que le groupe prend son temps, discute, etc. avant d’attaquer le titre suivant. Ils se plaignent en riant qu’on leur ait demandé de jouer quarante minutes, ce qu’ils ne feraient jamais, mais c’est peut-être pour ça qu’ils prennent autant de temps, pour que les dix-sept titres de la setlist leur durent quarante minutes. Bref, on aime bien, évidemment, mais il est difficile de se laisser réellement embarquer : sans doute aurait-il été préférable de jouer les dix-sept titres enchaînés, quitte à ce que tout soit bouclé en une demi-heure… Et puis, jouer le morceau le plus accrocheur du nouvel album, On And On, en seconde position au lieu de le garder pour la fin, de même que placer le très beau Satisfied en milieu de set, ça n’a sans doute pas aidé.

Jeanines sont un groupe passionnant de toute manière, que l’on suivra de près, et que l’on aimerait revoir bientôt sur scène – même s’il n’y aura a priori pas d’autre concert prévu en France en 2025 -, pour voir comment ils se sortiront de l’impasse où ils se sont mis eux-mêmes avec leurs micro-chansons !

Très belle soirée, en tous cas, proposée par Paris Popfest et par le Supersonic, que l’on remercie, en répétant nos habituels bémols quant à l’expérience offerte dans cette salle à la programmation remarquable : trop de bruit venant du bar, et des lumières ridiculement limitées, c’est toujours dommage !

Lightheaded 
The Gentle Spring
Jeanines

Texte et photos : Eric Debarnot

Jeanines, The Gentle Spring et Lightheaded au Supersonic (Paris)
Production : Paris Popfest
Date : 16 juillet 2025

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