[Live Review] Binic Folks Blues Festival – Jour 1 : retour à la Scène Banche !

Et voilà, c’est cette période de l’année où l’on revient dans la petite ville bretonne de Binic, où se déroule ce que nous sommes nombreux à présenter – et les artistes sur scène le disent aussi – comme le « meilleur festival Rock » de France (voire du monde, si l’on est un groupe ou un artiste australien…). Compte-rendu de la première journée devant la Scène Banche.

2025 07 25 The Darts Festival Binic J1 (22)
The Darts au Festival Folk Blues de Binic – Photo : Eric Debarnot

Le rendez-vous à Binic, en juillet, est l’un de ceux que tout amateur de garage rock, de punk rock et – de manière plus générale – de musique « déviante », mais originale et inspirée – ne saurait manquer. Et nous sommes de plus en plus nombreux à le savoir, après le succès de l’édition 2024, qui a vu des journées à plus de 10.000 entrées pour un festival qui n’est plus aussi confidentiel qu’il l’a longtemps été. Même si l’appellation « Folk Blues » conservée par la Nef D Fous, l’organisation derrière le festival, est définitivement « mensongère », ou en tous cas, trompeuse, désormais.

Cette année 2025 voit une programmation toujours plus australienne (on peut avoir le sentiment que toute la scène de Melbourne, en particulier, est transportée à Binic, mais aussi plus « pointue », sans véritables grands noms (c’est relatif) qui puissent être utilisés comme boussoles pour s’organiser durant les 3 jours. Pas de souci, on fait confiance aux organisateurs pour nous régaler. Dans le domaine pratique, et certains le regretteront, le mouvement entre les deux scènes est devenu long et difficile, à la fois du fait de l’affluence et des contrôles de sécurité, qui allongent la queue des festivaliers voulant changer de site. La meilleure décision est maintenant de choisir une scène et de s’y tenir pour la journée (il faut rappeler que de nombreux artistes se produisent plus d’une fois sur les trois jours, sur les deux scènes, ce qui est bien pratique !).

2025 07 25 Bad Bangs Festival Binic J1 (12)

Nous avons choisi quant à nous la Scène Banche, au bord de la plage, beaucoup parce que c’est la plus agréable, surtout quand il fait, comme aujourd’hui, du soleil mais aussi une température un peu fraîche : les conditions idéales pour écouter de la belle musique entre amis ! Et on commence à 17h45 avec Bad Bangs (nom de groupe amusant faisant référence à une coupe de cheveux malheureuse, une « frange ratée »), qui viennent de Melbourne (bien sûr !), et nous proposent leur garage rock « évolué » – c’est à dire désormais plus nuancé, plus complexe : les compositions sont élaborées, avec des ruptures de rythme et de ton qui renouvellent le genre. Au premier plan, deux filles charismatiques et déterminées, Shelby et Sophia, une blonde et une brune, à la guitare et au chant, et pour les soutenir une section rythmique masculine déterminée. Le set met un certain temps à prendre son envol, la première moitié manquant d’intensité : pas facile d’ouvrir un festival en plein soleil alors que peu de gens sont encore arrivés. Heureusement, à mi course, le groupe se met en place et le niveau monte, jusqu’à une conclusion qui ravira tout le monde, LBD, le tout nouveau single qui vient de sortir, et qui se révèle plus agressif que le reste.

2025 07 25 Our Carlson Festival Binic J1 (4)

A 18h45, une petite surprise nous attend, car derrière « notre Carlson » (Our Carlson en VO), ce n’est nulle autre que Cash Savage, notre égérie actuelle du Rock australien intense, qui s’installe derrière son ordinateur pour gérer le « fond sonore » (on hésite quand même, et ce n’est pas négatif de notre part, à parler de « musique ») sur lequel le belliqueux et généreux agitateur va débiter ses anathèmes contre « le système » (le capitalisme, les politiciens, l’administration…), et contre tous ceux qui transforment notre monde en un enfer ridicule (les conspirationnistes anti-vax, les réacs anti LGBT…). Carlson est clairement un homme (très) en colère : on raconte que cette colère s’est éveillée, ou tout au moins qu’il a décidé de l’exprimer sur scène, quand, à 33 ans, il a découvert le délabrement et l’injustice du système de santé alors qu’il a souffert de crises d’épilepsie. Tout cela est sympathique (tout au moins pour ceux qui partagent les opinions de Carlson et Cash), assez drôle, car heureusement Carlson ne manque pas d’humour, voire même d’un grain de folie (on pense à son t-shirt en loques sous sa belle veste blanche « à la Elvis », qu’il qualifie de son « lucky t-shirt »), mais se révèle quand même un peu lourdingue au bout d’un moment : il y a un côté « prêche militant » qui, s’il est sans aucun doute bien venu à une époque où les artistes engagés font défaut, finit par peser. Et paradoxalement, on a le sentiment que tout cela manque finalement… d’imagination !

2025 07 25 The Darts Festival Binic J1 (22)

Sans réelle surprise, tout au moins pour celles et ceux qui connaissent les sets fiévreux et… enjoués du groupe californien de grrrl pop / garage punk, The Darts vont nous offrir l’une des deux plus belles prestations de la journée à la Scène Banche. Sans surprise ? Pas vraiment, parce que depuis leur dernière tournée chez nous qui semble avoir été marquée par des dissensions au sein du groupe mené par Nicole Laurenne, le line up a complètement changé – on note le retour derrière les fûts de la batteuse « historique » du groupe. Cela a eu pour effet de propulser la musique des Darts dans des registres finalement assez différents : plus noirs, plus sauvages, plus extrêmes, nettement moins « fun ». Et ça fait beaucoup de bien d’assister à ce renouvellement, d’autant que Nicole semble très fière de cette nouvelle approche, et particulièrement complice avec sa nouvelle recrue à la basse. De nombreux fans de la première heure du groupe s’accordent à dire que, sur scène, The Darts n’ont jamais été meilleures qu’en ce moment, et c’est bien le sentiment que le public de Binic, très excité pour le coup, va en avoir. On remarquera d’ailleurs que les deux nouvelles compositions, Apocalypse et Zombie in the Metro, présentées à Binic, qui figureront sur le prochain album, étaient particulièrement impressionnantes, ce qui est bon signe. Bon ! Sinon Nicole reste une show woman hors pair, et maintient une bonne humeur et une excitation constantes, ce qui est quand même un bon point. Et Nicole aura également confirmé son engagement politique bien connu en faisant crier la foule de Binic des « Liar ! Liar » destinés à l’administration Trump. Bref, du rock’n’roll certes classique, mais dans le bon esprit que nous chérissons.

2025 07 25 Guy Blackman Festival Binic J1 (4)

Changement de registre brutal avec Guy Blackman (il se présente lui-même en français, car il fera l’effort de parler notre langue, comme Guy Hommenoir !), un songwriter de Melbourne surtout connu pour avoir créé la maison de disques Chapter Music. Guy est un compositeur remarquable, et chacune des courtes chansons qu’il interprétera ce soir sera superbe : mélodie efficace, paroles passionnantes, souvent des chroniques succinctes et drôles de sa propre vie et de son expérience personnelle d’homosexuel se découvrant peu à peu, et surtout légèreté et élégance. Il y a malheureusement un problème et un GROS : Guy est tout sauf un chanteur ! Il chante tellement mal que l’écouter est une souffrance, que le public quittera progressivement la fosse (une spectatrice l’admonestera d’ailleurs par un « D’abord, apprends à chanter ! »), et qu’on est rapidement saisi par le sentiment d’un triste gâchis. Guy est accompagné d’un guitariste venu comme lui d’Australie, et d’une section rythmique française, dont à la basse le discret et modeste Julien Gasc, ex-Aquaserge. Bref, des compos passionnantes, un accompagnement musical de luxe, et… le besoin urgent de cours de chant !

2025 07 25 Program Festival Binic J1 (6)

22h25 : la nuit est tombée, ce qui crée tout de suite une bien meilleure atmosphère pour des concerts de Rock, et Program, l’un des groupes que l’on attendait le plus en cette première journée, entre en scène : Program, un quatuor d’indie rockers de Melbourne (si, si !) à l’excellente réputation depuis la publication de deux très bons albums. Ils se positionnent un peu dans la lignée de l’indie pop néo-zélandaise des Bats – que nous aimons temps – avec, au moins sur scène – une énergie juvénile rafraichissante. Bon, nos quatre larrons ne sont pas particulièrement expansifs, ce qui leur sera certainement reproché (« Mais pourquoi ls font la gueule ? » entendrons-nous derrière nous, et il est vrai que Program sera ce jour le seul groupe à l’attitude « peu communicative », ce qui les dessert dans l’atmosphère très bon enfant de Binic). Et, après un démarrage magique sur Memory (de leur premier album, Show Me) puis One On One (du second, Its a Sign), quelque chose se met à patiner, et l’enthousiasme retombe un peu : un léger sentiment d’uniformité ? Un certain manque d’enthousiasme, justement ? Le set n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que nous attendons d’un groupe qui a livré deux si beaux albums. Heureusement, sur la fin, la musique se fera plus dure, plus intense, et Program nous quitteront sur un bien meilleur sentiment. A suivre, de toute manière.

2025 07 25 Publc House Festival Binic J1 (8)

Si, à ce stade, l’on est un peu frustré par une première journée en demi-teinte à la Scène Banche, la tornade qui va suivre va nous remettre dans l’axe : Public House, c’est un quatuor « punk rock », mais qu’on a envie de qualifier de « maximum rock’n’roll », dont la furie, la joie de jouer et l’excellente technicité ne peuvent que déclencher trois quart d’heures de folie furieuse générale à la fin d’une première journée – désormais bien alcoolisée – comme Binic. Ce n’est peut-être pas génial, mais entre les Stooges et Mötorhead – deux références sorties de notre chapeau un peu au pif ! -, qu’est-ce que ça fait du bien, une telle claque ! Une déferlante de rock’n’roll extrémiste mais souriant, porté par quatre mecs qui nous avouent « faire le meilleur métier du monde », qui ne peut que mettre en joie. Wolfgang Buckley, le frontman bonhomme adepte du slamming peu vêtu, à la fois hystérique au chant (maîtrisé, quand même) et rigolard, est déjà connu pour son groupe Stiff Richard, gouleyant dans son genre : il porte là la notion de « fouteur de bordel » à un autre niveau. Le bassiste, géant magnifique à la coupe de cheveux improbable, opère aussi dans un combo cousin (ou frère), Zombeaches, à l’excellente réputation, que nous pourrons voir demain. Le guitariste est un tueur décontracté mais implacable, et le batteur fait avancer tout ça sans répit. Le tout a constitué le plus beau moment de rock’n’roll de cette première journée, illustré – un peu au hasard – par le titre Garbage Bag Balaclava, qui nous a, en plus, bien fait rire !

A demain !

Bad Bangs
Our Carlson
The Darts
Guy Blackman
Program
Public House

Eric Debarnot
Photos : Eric Debarnot

Binic Folk Blues Festival – Jour 1
Production : La Nef D Fous
Le 25 juillet 2025

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