N’écoutant que leur devoir, et au mépris de dommages cérébraux irréparables, les rédacteurs de Benzinemag continuent à visionner pour vous les blockbusters de l’été. Cette fois, on vous dit ce qu’on pense de Les 4 Fantastiques – premiers pas : beaucoup de mal.

L’autre jour, alors que j’expliquais à un ami cinéphile que Pedro Pascal n’avait pas volé son statut d’icône cool, régulièrement encensée sur les réseaux sociaux (formidable dans Game of Thrones, Narcos, The Last of Us, et même lumineux dans un truc comme The Mandalorian), il m’a rétorqué qu’il manquait à Pedro Pascal encore un film – un vrai, un grand – pour prouver qu’il pouvait aussi être une star de cinéma, et pas seulement de séries TV.
J’avoue être allé voir Les 4 Fantastiques : Premiers pas alors que les films de super-héros m’indiffèrent en général, en espérant que ce serait là sa consécration hollywoodienne. Eh bien, c’est complètement raté. Même son talent et son charisme ne survivent pas à un objet aussi futile et mal fichu : il semble même totalement perdu dans un rôle qu’il ne parvient jamais à habiter, au cœur d’un film qui ne sait, lui non plus, jamais sur quel pied danser.
Tout le monde sait que le MCU est en grande difficulté depuis plusieurs années, et a un besoin vital de renouveau. Même si Les 4 Fantastiques fait figure de sujet casse-gueule (après plusieurs versions unanimement jugées désastreuses – je ne les ai pas vues, mon masochisme a des limites), l’idée de faire souffler un vent vintage, inspiré de Jack Kirby, et d’offrir une relecture pop, rétrofuturiste, de ces héros malmenés, avait au moins le mérite de trancher avec l’approche habituelle de la maison Marvel/Disney.
Les 4 Fantastiques – Premiers pas commence de manière plutôt maligne, en expédiant l’origin story en quelques minutes d’émission télévisée. Le problème, c’est que cette introduction contient les seules scènes et les seuls antagonistes un tant soit peu stimulants du film. Ensuite, on nous présente la « famille” de super-héros, et la grossesse inespérée de la maman (Vanessa Kirby, la seule à tirer son épingle du jeu – bravo !). De mauvaise foi comme je suis, je ne peux m’empêcher d’y sentir un parfum de népotisme : le pouvoir, ici planétaire, reste solidement entre les mains d’une famille, par ailleurs non démocratiquement élue. Les Indestructibles de Pixar me revient alors en tête comme modèle parfait – et sympathique, lui – du film familial super-héroïque — et on en est très, très loin ici.
Quand l’intrigue principale débute, l’ennui a déjà gagné la partie, et ce ne sont pas les rares scènes d’action un peu fauchées (pourtant issues d’un gros budget) qui viendront nous sortir de la torpeur. La séquence où le « méchant géant”, antagoniste cataclysmique qui retombe, lui, dans les travers classiques du MCU, traverse les rues de New York, changeant de taille à chaque plan, s’avère aussi banale que laide. Au sortir de la projection, il ne me restait que deux souvenirs : d’une part, que New York « prend cher”, comme d’habitude dans les blockbusters US ; d’autre part, que, bien en ligne avec l’idéologie sixties qui imprègne la réalisation artistique du film, le principe fondateur de la famille reste ici que c’est à la mère de se sacrifier pour ses enfants. Beau message.
À partir d’une idée de départ qui était loin d’être stupide (faire un film pop, coloré, familial, presque naïf, pour relancer la franchise), Matt Shakman et son équipe semblent surtout s’être évertués à diluer toute psychologie, à lisser les aspérités pour ne choquer personne, en empilant les sermons éculés sur l’importance de la famille et l’unité mondiale face au danger (Il n’y a clairement pas de Poutine dans l’univers uchronique du film !). Soit des messages qui résonnent particulièrement mal dans l’Amérique trumpienne que le monde subit à nouveau depuis quelques mois.
Et, pour neutraliser encore un peu plus ce qui pouvait rester d’intérêt, les personnages principaux comme secondaires sont systématiquement désamorcés ou gâchés. Quel intérêt d’utiliser l’excellente Julia Garner pour incarner une version plate et transparente du Surfer d’argent ? Pourquoi faire intervenir Natasha Lyonne – actrice rare et singulière – pour la faire disparaître aussitôt, après quelques minutes d’une inutilité absurde ? Comment peut-on ne rien faire du talent immense d’un Ebon Moss-Bachrach, en ridiculisant « la Chose » entre deux gags de robot bricoleur ou les difficultés d’installer un siège bébé dans une voiture ?
Le résultat de tout ça est un objet sans âme, désespérément plat. Une coquille vide repeinte en rétro flashy, dans laquelle s’agitent des acteurs perdus, prisonniers de personnages mal écrits, et d’une intrigue absurde basée sur des postulats inconsistants. Rien n’a de poids, rien n’a de corps. Et à ça, même Pedro Pascal, avec tout son talent et son charisme, n’y peut rien.
Eric Debarnot