The Black Keys tournaient autour depuis un moment, et la voici, la fameuse gamelle. Pas la peine de passer par quatre chemins, No Rain, No Flowers est un gros raté. En cédant à la facilité, le fameux duo sonne creux, voire ringard. Et c’est bien triste.

Devenus au fil du temps et des albums une sorte de caricature d’eux-mêmes, The Black Keys ne doivent désormais la curiosité d’écoute qu’à l’allégeance que l’on prête à leur statut de légendes du blues-rock acquis il y a maintenant une quinzaine d’années. Mais de sorties sans saveur à sorties sans saveur, il fallait plus ou moins se faire à l’idée que le duo n’avait peut être plus grand chose dans les santiags. Pourtant l’an dernier, le réveil salvateur avec Ohio Players, disque très sympathique, vitaminé, ravivait un tant soit peu la flemme et entretenait l’espoir… Et même si l’album n’a pas connu le succès ni dans les bacs, ni dans les salles de concert, obligeant BK à réduire la voilure sur la tournée, il a été suffisant pour remettre une pièce dans la machine, et accorder un crédit supplémentaire à ce No Rain, No Flowers.
Fausse joie, clairement. Si jusqu’ici Auerbach et Carney avaient réussi à garder un certain équilibre qualitatif même lorsqu’ils se montraient pantouflards, cette fois-ci c’est bel et bien la bonne, la vraie, l’inéluctable plantade. Celle où l’on cède aux sirènes du mauvais goût, celle où l’on sonne faux, celle des mauvaises idées. Celle où l’on est plus très loin d’être has been. Et ça fait mal de le dire.
Parce qu’il s’agit d’un groupe majeur, qui avait su mettre de son côté critique comme public, oreilles underground d’abord comme audience plus large ensuite. Brothers et El Camino resteront comme des sommets et on se repassera également les plus rugueux Attack & Release ou Rubber Factory avec grand plaisir.
Mais ce disque-ci n’a rien, ou si peu, pour lui. Dès le premier titre et single éponyme, tout va mal : un morceau faussement dansant, faussement rock d’ailleurs aussi, qui dégouline de pop (et pas la bonne…) par tous les pores. Un pont bubble-gum, un refrain Bisounours, toute la panoplie est là. Ni fait, ni à faire.
Pas mieux au tour suivant avec The Night Before, là aussi envoyé en éclaireur il y a quelques mois, et qui regroupe plus ou moins les mêmes problèmes que son prédécesseur. A peine commencé qu’on a presque envie d’arrêter.
Le souci, c’est que l’on peut continuer comme ça encore un moment. Babygirl, Make You Mine (inviter Scott Storch en 2025, vraiment ?) sont du même acabit et irriteront les plus sensibles d’entre nous. Et lorsque The Black Keys tentent de sortir de ce format pour s’essayer à d’autres exercices, l’inspiration n’est pas là. All My Life se veut funky, Man on a Mission colle une ambiance Hendrix mais sonne creux, sans véritable relief.
Au milieu de ce marasme, Down to Nothing sauve les meubles, tout comme Neon Moon. Des titres plus calmes, plus blues, sans surprise. Là où le duo a sans doute encore des choses à jouer plutôt que de se perdre à vouloir des hits de stade. A Little Too High, même convenu et sage, fait aussi partie de la liste des repêchés dans un genre plus punchy qu’ils peuvent tout à fait maitriser.
L’accident était inévitable. A forcer le trait, The Black Keys se sont emmêlés les pinceaux bien comme il faut avec No Rain, No Flowers. Sur la pente descendante, ils avaient réussi à maintenir un semblant de tenue en la jouant facile, mais ici la ligne rouge est clairement franchie. Difficile d’imaginer la suite désormais, de se projeter. Faut-il encore véritablement attendre quelque chose du duo, ou tout simplement le laisser voguer vers d’autres eaux ?
Alexandre De Freitas