C’est reparti pour un troisième tome, celui qu’on n’attendait pas forcément… Après une légère déception dans la conclusion du précédent diptyque « sataniste », Bourhis redresse la barre avec une effroyable affaire, dans le contexte politique féroce des années Kennedy.

USA, 5 juin 1968. Le candidat à l’élection présidentielle Bob Cavendish meurt assassiné pendant un discours de campagne. Quatorze jours avant, le lieutenant Kimberly Tyler avait quitté San Francisco pour rejoindre la police de New York qui lui avait proposé d’assurer la protection de l’homme politique. Très vite, elle va réaliser le dangereux guêpier dans lequel elle s’est fourrée, alors qu’on ne lui donne pas les moyens de mener à bien sa mission. Le problème, c’est que Tyler est un peu trop curieuse et a tendance à mettre son nez là où il ne faudrait pas, en particulier dans les dossiers les plus sordides de l’influente et richissime famille Cavendish qui cherche à tout prix à préserver sa réputation…
Après l’excentrique diptyque se déroulant dans les quartiers interlopes de San Francisco, les auteurs emmènent cette fois leur héroïne dans Big Apple, de façon inattendue. En effet, celle-ci a été mandatée par la NYPD pour organiser la protection du candidat démocrate à la Maison blanche. Sans grosse surprise puisque l’histoire commence par son assassinat en public, le reste du livre détaillant les événements antérieurs au drame. Alors que les deux premiers volets portaient sur une enquête dans les milieux satanistes de Frisco, ce tome 3 (qui apparemment n’aura pas de suite) se situe dans le registre du thriller politique, avec une fiction librement inspirée par l’« affaire Kennedy bis » (le meurtre de Bob Kennedy, frère de John, qui s’apprêtait à être nommé par son parti pour les présidentielles). Et même si les noms ont été modifiés, on pourra facilement reconnaître Richard Nixon (davantage que Robert K., d’ailleurs), le candidat républicain qui, comme on le sait, serait élu en novembre 68.
Ce récit donne une fois de plus l’occasion à Hervé Bourhis de nous immerger dans l’atmosphère U.S. de la fin des années 60, avec quelques références culturelles de l’époque. Curieusement, l’auteur, expert accompli en matière de rock (à ce sujet, voir son récent ouvrage consacré à Paul Mc Cartney), a abandonné le filigrane radiophonique intégrant des extraits de chansons et se contente d’allusions davantage en lien avec l’art ou la littérature, notamment avec une course poursuite ayant pour cadre le musée Guggenheim ou cette rencontre avec Andy Warhol, rebaptisé pour l’occasion « Angus Warsaw ». On pourra également s’étonner de la ressemblance entre le directeur de campagne de Cavendish, Tom Persons, et le romancier Truman Capote…
Cet épisode en fera voir de toutes les couleurs à la pauvre Tyler, qui semble une fois de plus confrontée au mépris et à la morgue d’un milieu globalement très misogyne, et se trouve ici aux prises avec un inquiétant mercenaire russe. Notre femme-flic va pourtant prouver qu’elle a du répondant et qu’il ne vaut mieux pas se fier à sa corpulence. Mais si elle n’a pas froid aux yeux, cette héroïne manque encore un tout petit peu de substance pour vraiment accéder au statut d’héroïne « culte » du neuvième art.
Lucas Varela quant à lui ne faillit pas dans le traitement de la partie graphique. Son trait méticuleux et stylisé (bien qu’un peu froid pour ce type de registre) reste un régal pour les yeux, avec toujours ce « code couleur » en phase avec la fameuse bannière étoilée.
Plus conforme aux standards narratifs du genre, Manhattan Trauma réussit davantage à convaincre par son intrigue que Black House, le diptyque précédent, lesté par son dénouement un rien saugrenu. On pourra juste s’étonner du fait que ce troisième volet semble être une histoire complète, mais peut-être notre amie Tyler est-elle déjà partie vers d’autres horizons d’investigation… A voir…
Laurent Proudhon
American Parano, tome 3 : Manhattan Trauma
Scénario : Hervé Bourhis
Dessin : Lucas Varela
Editeur : Dupuis
64 pages – 17,50 €
Parution : 6 juin 2025
American Parano, tome 3 : Manhattan Trauma — Extrait :
