Stéphane Melchior et Renaud Garetta nous embarquent dans la plus dramatique des courses au large. En 1979, la Fastnet, course mythique, tourne au cauchemar avec une dizaine de morts et de nombreux bateaux coulés.

Le 11 août 1979, à Cowes, plus de 300 voiliers prennent le départ de la Fasnet. La célèbre régate anglaise regroupe des voiliers de tailles différentes, menés par des semis professionnels et des amateurs éclairés. Les prévisions météos sont correctes. Or, le surlendemain, en moins de 5 heures, les vents passent de 30 km/h à des pointes à plus de 100 km/h (soit, dans l’échelle de Beaufort, à une force 10). Les concurrents sont confrontés à une « perturbation atmosphérique » qui s’approche, très officiellement, de l’ouragan.
Par une ironie cruelle, les voiliers les plus grands, donc les plus rapides, ont terminé la course quand la tempête se déchaîne. Ted Turner, le milliardaire propriétaire de CNN, aura des propos malheureux, s’étonnant que des amateurs appellent au secours dans ce qu’il a cru être une simple tempête. Or, entretemps, des vagues de plus 10 mètres ont décimé la flotte. 75 voiliers ont chaviré, 20 ont été abandonnés et 5 autres ont coulés.
Pour mieux nous embarquer dans la course, Stéphane Melchior introduit un équipage fictif et la famille de l’un de ses membres. L’épouse a vu, en rêve, le drame et supplie son mari de rester à terre. Après avoir cédé, ce dernier doit palier la blessure d’un de ses camarades. Il sera le premier à passer à l’eau. À leur bord, nous assistons aux préparatifs de l’appareillage. La tension monte. L’aspect nautique est fort bien rendu. Les manœuvres et le vocabulaire sont justes. Sans électronique embarquée, tous naviguent au sextant et les liaisons radio sont réduites au minimum.
Le dessin semi-réaliste de Renaud Garetta pourrait, jusqu’aux premières rafales, passer pour classique. Mais son travail sur la houle et les bourrasques, sur les vagues scélérates et le hurlement du vent, est dantesque. Toute lumière a disparu sur une mer et des cieux ouvertement hostiles. L’océan a changé de dimension, les voiliers se font minuscules, les drisses claquent et les coques gémissent. Garetta nous offre deux courtes et bienvenues incursions dans le fantastique, dont un Neptune furieux du plus bel effet.
Malgré 139 marins secourus par la plus grande opération de secours en mer menée, très efficacement, par la Royal Navy, on déplore 18 noyés. Pour l’anecdote, seuls 86 voiliers sur les 306 au départ ont été classés à Plymouth.
Le drame servira la cause de la voile. L’enquête officielle mettra le doigt sur la fragilité des équipements de survie, les harnais et les radeaux, qui verront leur réglementation se durcir, et sur la mauvaise réaction des marins qui ont quitté, trop tôt, leur voilier. Retenez la leçon ! On n’abandonne son navire que s’il est (vraiment) perdu !
Stéphane de Boysson
Fastnet 1979 – Un ouragan sur la course
Scénario : Stéphane Melchior
Dessin : Renaud Garetta
Éditeur : Delcourt
Collection : Coup de tête
104 pages – 22,50 €
Parution : 28 mai 2025
Fastnet 1979 – Un ouragan sur la course — Extrait :
