« Les mouettes – mission Iran » de Thomas Cantaloube : la « saison papier » du fameux Bureau des Légendes

Voici le second épisode du feuilleton littéraire dérivé de la fameuse série tv Le Bureau des Légendes. Une aventure très réussie où Thomas Cantaloube, très documenté comme d’habitude, porte un regard un peu nouveau sur cet Iran qui est toujours, hélas, au cœur de l’actualité.

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© Fleuve éditions

En 2024, les éditions Fleuve noir ont lancé une série littéraire, un spin off, dérivée de la fameuse série tv Le Bureau des Légendes et l’écriture en a été confiée au journaliste-écrivain Thomas Cantaloube que l’on connait déjà pour ses thrillers géopolitiques comme Requiem pour une République.
Le premier épisode s’intitulait Les mouettes – mission Lybie, et voici la suite avec Les mouettes – mission Iran.
Les mouettes, c’est le surnom de ces commandos de la DGSE qui sont chargés, en terres étrangères, des basses besognes de notre chère république.

Comme dans toute bonne série, on va pouvoir retrouver nos personnages préférés.
Yannick Corsan, le héros, qu’on surnomme Icare (ça lui va bien, il est un peu tête brûlée), toujours en conflit avec sa hiérarchie depuis « ses récentes sorties de route en Serbie, au Sahel » et qui n’a jamais vraiment fait le deuil de la disparition un peu mystérieuse de son épouse, Clarisse.
Sa nouvelle chérie, Mélanie, une « spécialiste rattachée à la direction technique », une droniste, qui ne fait pas partie des commandos mais va se trouver embarquée avec Corsan même si « la définition de son poste à la DGSE n’incluait pas le jogging nocturne en terrain hostile ».
Et puis bien sûr, les patrons du Service Action comme Marie-Jeanne Duthilleul (c’était Florence Loiret Caille à l’écran) ou Marcel Gaingouin (Patrick Ligardes).
Les fans auront même la surprise de voir apparaître (sur le papier !) Phénomène, « l’espionne à la voix fluette », mais je n’en dis pas plus.

À la fin de l’épisode précédent, on avait laissé le colonel Hector Feyder, un collègue de Corsan, en bien mauvaise posture à Alger : il avait été enlevé par des affreux.
La DGSE cherche tous azimuts dans quelles mauvaises mains il peut bien être retenu comme otage …
Dans le même temps les nord-coréens sont en train de livrer aux iraniens de quoi faire voler leur future bombinette : le bouquin a sans doute écrit il y a plusieurs mois, mais l’actualité a bien vite rattrapé la fiction et ce dossier Iran est donc on ne peut plus actuel !

Alors que tout le monde s’affaire à retrouver l’otage Hector, les patrons tirent Corsan du placard où il était en punition et l’envoient avec quelques collègues intercepter le convoi coréen avant la frontière iranienne.
Bien entendu les lecteurs avisés savent bien que rien ne va se dérouler comme prévu et que Cantaloube nous a concocté un scénario aux petits oignons : « leur mission avait été bancale dès le départ : précipitée, hasardeuse et mal dirigée. Elle rejoindrait dans leurs archives les dizaines d’autres qui avaient été interrompues ou qui avaient tout bonnement échoué, parfois gravement, parfois sans dommages ».
Corsan serait-il en train de « en train de mener sa « mission de trop », celle qui lui échappait » ?
Et puis tout comme dans l’épisode précédent, la dernière page recèlera une petite surprise qui viendra relancer le suspense de cette série. Vivement la suite !

Voilà un épisode beaucoup plus réussi que le précédent où le lecteur peinait un peu à renouer avec la série, les différentes intrigues et les personnages : c’est un peu le problème des premiers épisodes, qui doivent à la fois relancer l’histoire et poser les bases de la nouvelle saison.
Depuis la mission Sahel, c’est chose faite, et dans cet épisode qui peut éventuellement se lire indépendamment du précédent, Thomas Cantaloube peut maintenant déployer tout son art dans une nouvelle région : le Baloutchistan, « partagé » arbitrairement entre le Pakistan, l’Afghanistan et l’Iran.
Le refrain est malheureusement connu : « on continuait à se battre sur tous les continents à cause de traits de crayon intempestifs dessinés sur des cartes un ou deux siècles auparavant par des aristocrates ou des diplomates, dont certains n’avaient jamais mis les pieds dans les lieux dont ils avaient la charge ».
Oui, on tient cette fois un excellent thriller d’action où les différentes intrigues (l’otage, le convoi iranien, le passé du héros, …) s’imbriquent parfaitement. Le lecteur, bien calé dans son fauteuil, peut enfiler son treillis et lacer ses rangers en toute confiance, c’est parti !

Mais on sait bien que Cantaloube n’est pas un auteur ordinaire de thrillers, même inspirés de l’actualité brûlante, c’est aussi un excellent pédagogue et il aura l’occasion ici de nous faire partager un point de vue original, un peu décalé et donc passionnant, sur l’Iran car « contrairement à ce que laissait entendre sa catégorisation en tant que pays du « Sud global », euphémisme bien-pensant remplaçant les concepts de « pays en développement » ou de « tiers-monde », l’Iran fonctionnait comme la plupart des nations développées ».

« […] Nous savons tous très bien que, si les Iraniens veulent vraiment la bombe, ils l’auront. S’ils veulent vraiment des missiles performants, ils les construiront. Je n’ai aucune confiance ni aucune sympathie envers les mollahs qui gouvernent cette nation, mais on ne cesse de traiter l’Iran comme un pays du tiers-monde à moitié cinglé et marginal alors qu’il s’agit d’une grande puissance dotée de ressources économiques, militaires, commerciales, et surtout intellectuelles. On a affaire à des Perses dont l’histoire est aussi riche que celles des Romains et des Grecs. »

Bruno Ménétrier

« Les mouettes : dossier Iran »
Roman de Thomas Cantaloube
Editeur : Fleuve Noir
304 pages – 20,90 €
Date de parution : 14 août 2025

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