À partir du récit troublant de vérité d’un récent fait divers, François Vignolle et Vincent Guerrier nous immergent dans une société vieillissante et s’interrogent : qu’avons-nous fait de nos aînés ?

Le fils du jeune couple de Parisiens, des nouveaux venus – lui travaille chez Total et elle chez L’Oréal, à moins que cela ne fut l’inverse – veut voir dans le maire un shérif. N’est-il pas le chef du village de Courteville ?
C’est calme le Perche. Tout le monde s’y connaît, pensez-vous ! Maire consciencieux, Gilles Poulain est soucieux de la santé de ses administrés, surtout des plus âgés, or ils sont nombreux. Alors, en pleine crise du Covid, il les appelle régulièrement au téléphone, un par un, pour prendre de leurs nouvelles. Il tient à jour son carnet. Or, Albertine ne répond pas.
Cette Albertine est plus âgée et moins affable que l’héroïne de Marcel Proust. C’est la doyenne du village, elle est presque centenaire. Elle ne sort plus guère. Gilles connait sa bru, la coiffeuse du village, qui est membre de son conseil municipal. Mais, Albertine est acariâtre, sa belle-fille ne l’a pas vu depuis des décennies. C’est Christian, son fils, qui chaque semaine lui apporte de la nourriture et entretient la maison.
Opiniâtre, Gilles poursuit son enquête. Personne ne l’a vue depuis des années. Il découvre que son jardin est envahi par les ronces. Alors qu’il tente de joindre Christian, ce dernier s’effondre, victime d’une crise cardiaque. Désormais inquiet, le maire se décide à avertir la gendarmerie. La maison est ouverte, puis fouillée. Elle est pouilleuse et abandonnée depuis des lustres. Albertine a vraiment disparu.
Journalistes, les scénaristes Vincent Guerrier et François Vignolle s’inspirent d’un fait divers survenu dans l’Orne l’été 2022. La description du quotidien de la vie d’un maire rural ou d’un officier de gendarmerie est criante de vérité.
Le dessin de Vicenzo Bizzari est original. Il associe des décors réalistes à des silhouettes souvent massives et bien croquées. Ses personnages parlent peu, mais ses visages sont très expressifs. Son Perche est austère, grisâtre sa nature et morne sa forêt.
Ceux qui idéaliseraient la vie rurale, une société plus saine, plus fraternelle, risquent d’être déçus. Les rues de Courteville sont désespérément vides, la vie semble s’être concentrée dans les salles des fêtes, le bistro et les trop nombreux enterrements. Le lien social semble, là aussi, atteint. Qu’avons-nous fait de nos Albertine ?
Stéphane de Boysson
Albertine a disparu
Scénario : François Vignolle et Vincent Guerrier
Dessin : Vicenzo Bizzari
144 pages – 24 €
Éditeur : Glénat
Parution : 11 juin 2025
Albertine a disparu — Extrait :
