On se faisait une joie de retrouver, dans l’atmosphère intime du Supersonic Records, une Ruth Radelet dont on avait gardé le souvenir précieux de son aventure avec Chromatics. Finalement, les retrouvailles ont eu un goût de légère déception. Heureusement qu’avant, le cosmonaute de KNDNS nous a distribué des bonbons Haribo !

Ruth Radelet, c’est pour à peu près tout le monde l’ex-chanteuse de Chromatics, groupe US de synth pop aux tendances post punks, actif de 2001 à 2021. Certains d’entre nous se remémorent avec nostalgie un concert donné à la Gaîté Lyrique le 31 mai 2012 (13 ans déjà) avec une reprise terrible du Hey Hey My My de Neil Young. Depuis, Ruth a changé de style musical, pour aller vers un folk indie mâtiné de dream pop. Pourquoi pas ? En tout cas, le Supersonic Records, salle intime et chaleureuse, était le bon endroit pour faire le point sur son évolution…
Vers 19h45, quelque chose d’inhabituel se passe : un cosmonaute (à moins qu’il ne s’agisse d’un astronaute ?) fend la petite foule qui se presse déjà devant la scène, se hisse avec quelques difficultés et s’assied pour lire un numéro de Mickey Parade d’un air très sérieux. OK ? L’énergumène, nous le découvrirons ensuite, fait partie du groupe parisien qui ouvre la soirée, KNDNS (prononcez « Kindness », soit « gentillesse »), et il passera une partie de leur set de 40 minutes à jouer les trublions, caresser les cheveux ou le visage des musiciens essayer de manger un sandwich ou de boire une bière, voire de souffler des bulles à travers son casque clos, avant de nous distribuer des bonbons Haribo. Original. Si le groupe s’appelle KNDNS, ce n’est pas un patronyme volé, car il est rare d’avoir sur scène une atmosphère aussi amicale, bienveillante : ces mecs sont littéralement adorables. Mais comme ce n’est pas pour être gentils qu’ils sont là, ils jouent aussi de la bonne musique, très seventies dans son essence : si le chant – souvent exécuté d’une voix de fausset ! – n’est pas la plus grande force du groupe, les longs passages instrumentaux, parfois très beaux, parfois très intenses, sont particulièrement séduisants. Bref, une jolie découverte, bien décalée par rapport à ce qu’on entend d’habitude, ce qui est une grosse qualité.
Il nous faut alors attendre 21h10 pour que Ruth Radelet monte sur scène, accompagnée d’un trio guitare-basse-batterie, dont les musiciens sont loin d’être manchots. Ruth chante, joue alternativement de la guitare et des claviers. Le son, comme presque toujours au Supersonic Records, est excellent, tandis que la lumière, comme très souvent dans cette salle, est mauvaise. Le set débute par l’interprétation des cinq titres du mini-album de Ruth datant de 2022, The Other Side : même si les vrais fans dans la salle ont l’air de « boire du petit-lait », pour les autres, il faut bien reconnaître qu’il s’agit là d’une petite demi-heure… comment dire… ennuyeuse ? Du côté de Beach House (de l’avis général), mais sans même les mélodies qui vont bien pour empêcher cette rêverie de sombrer dans une atmosphère presque dépressive. Difficile de se raccrocher à quoi que ce soit : si la voix est belle, la musique est un peu tiède, et manque clairement de la magie nécessaire pour nous accrocher, nous emporter.
Heureusement, à mi-course, avec l’excellent single de 2023, Shoot Me Down, nettement plus entraînant, le concert change de tonalité. Les musiciens s’animent, une sorte de lyrisme simple et de bon goût déferle sur la salle : la chanson est forte, et il se passe quelque chose sur scène. On est sauvés…! La seconde partie du set se poursuivra dans la même lignée, avec le très beau The Veil, ce titre composé pour la bande sonore d’un jeu, avec la coopération de Nat Walker et Adam Miller, ses anciens complices des Chromatics, puis avec deux reprises de morceaux du groupe, Cherry – sans doute la chanson la plus tubesque de la setlist – et Shadow.
La scène du Supersonic Records ne comportant pas de sortie aisée, inutile de sacrifier au rituel habituel des « encores », et le set se termine directement avec une reprise, évidemment rêveuse et flottante, de Blue Velvet. Ou comment clore en beauté un concert qui avait bien mal commencé.
Nous nous quitterons donc pas trop déçus, même si ce concert intimiste – qui aura quand même satisfait les fans – n’aura pas été au niveau espéré pour ces retrouvailles…
KNDNS :
Ruth Radelet :
Eric Debarnot
Photos : KNDNS : Eric Debarnot – Ruth Radelet : Gilles Barbeaux (merci à lui !)