The Beths – Straight Line Was a Lie : comment mûrir sans perdre en pouvoir de séduction ?

Straight Line Was a Lie, le quatrième album du groupe néo-zélandais The Beths, marque peut-être un tournant dans leur discographie : ils nous offrent une écriture plus intime, plus posée, qui gagne en profondeur mais perd parfois en immédiateté. Est-ce un bien ou un mal ? Le débat est ouvert.

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Photo : Frances Carter

Pour qui aime cette forme excitante du Rock qu’on appelle généralement Power Pop (pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le concept, pensez aux Who des débuts – avant Tommy –, à The Knack, à Cheap Trick, à Blondie jusqu’à Parallel Lines, ou plus récemment aux Posies ou aux New Pornographers), The Beths, le combo d’Auckland, a une place centrale dans le genre. Ils ont gagné, avec le succès immédiat de leur premier album, une réputation de groupe vif, capable de pondre de mini-hymnes indie-rock, aux mélodies imparables et aux riffs accrocheurs. Leur troisième album, le très réussi Expert in a Dying Field, trahissait néanmoins la recherche d’une maturité consistant, sans s’éloigner totalement de leur formule power pop, en un ralentissement du tempo, en une volonté de prendre un peu plus de temps.

Straight Line was a LieSans réelle surprise, Straight Line Was a Lie poursuit dans une veine similaire, cherchant à créer un sentiment d’espace plus ample, à travers des arrangements musicaux plus riches, autour des thèmes habituels de l’écriture toujours très personnelle de Liz Stokes – son anxiété, sa fragilité, le tout exposé avec une jolie sincérité. L’introduction de l’album, avec le titre éponyme, est significative du genre power pop : guitares agressives, mélodie accrocheuse, vocaux sucrés. Pourtant, si on se penche sur ce que chante Liz, le titre est tout aussi significatif de la complexité thématique, de la richesse humaine de l’album : « I thought I was getting better / But I’m back to where I started / And the straight line was a circle / Yeah the straight line was a lie / Guess I’ll take the long way / ‘Cause every way’s the long way / And I don’t know if I can go round again » (Je pensais que j’allais mieux / Mais je suis revenue au point de départ / Et la ligne droite était un cercle / Oui, la ligne droite était un mensonge / Je suppose que je vais prendre le chemin le plus long / Parce que chaque chemin est un long chemin / Et je ne sais pas si je pourrai faire un autre tour).

Dans un registre plus retenu, plus classique, The Beths nous offrent ensuite une belle réussite avec Mosquitoes, un morceau lumineux qui traduit bien la capacité du groupe à jouer une musique plus adulte mais toujours touchante. Suit un étonnant No Joy, où Liz constate, sur un format punky et plaisamment agressif, le triste état de son existence : « All my pleasures: guilty / Clean slate looking filthy » – (Tous mes plaisirs sont coupables / L’ardoise a été nettoyée, mais paraît sale) : la démonstration parfaite que, oui, on peut faire une musique gaie et entraînante – comme se doit d’être la Power Pop – quand on se coltine un bon gros fardeau existentiel.

Mais une fois passés ces trois premiers titres impeccables, on n’évitera pas toujours l’impression d’une certaine uniformité, comme cela peut être le cas avec un album plus cohérent, plus classiquement beau que ceux des débuts d’un groupe encore jeune et tout fou. Un titre comme le déchirant Mother, Pray for Me vaut avant tout pour la force de son texte, une sorte de supplique adressée à une génitrice avec qui on a eu une relation difficile, qui est maintenant disparue et que l’on recherche comme pour donner un sens à son existence : « I called off the search / For evidence of an after / Decided I’m fine without / Forever is this right now / But one day if you arrive / Just send me a small sign / I don’t need the proof of place / Just tell me you got there safe » (J’ai arrêté les recherches / Pour trouver des preuves qu’il existe un après / J’ai décidé que je vivrai bien sans le savoir / C’est pour toujours maintenant / Mais un jour, si tu arrives / Envoie-moi juste un petit signe / Je n’ai pas besoin de preuve d’endroit / Dis-moi juste que tu es arrivée saine et sauve).

Sur la seconde face, on relèvera particulièrement l’ample lyrisme de Til My Heart Stops, et l’énergie nerveuse un instant retrouvée de Take. Avant la conclusion mélodiquement impeccable de Best Laid Plans. Il reste que si Straight Line Was a Lie est le disque le plus abouti de The Beths, le plus subtil, le plus révélateur des états d’âme de Liz Stokes, c’est aussi celui où est le plus sensible le risque de les voir, avec les années qui passent, perdre leur brio power pop. Pour le moment, rien de dramatique, mais le prochain album pourrait bien être décisif dans la trajectoire de The Beths.

Eric Debarnot

The Beths – Straight Line Was a Lie
Label : Anti
Date de sortie : 29 août 2025

 

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