Netflix nous offre une deuxième saison de sa série à succès Mercredi plus ambitieuse mais aussi plus confuse : entre la multiplication effrénée des intrigues et une ambiance trop proche d’Harry Potter, seul Tim Burton semble maintenir l’esprit gothique et grinçant que l’on aime.

Il y a (déjà) 3 ans, la première saison de Mercredi avait surpris certains par sa « fraîcheur gothique », son mélange d’humour noir et d’intrigue policière ciblée « ado ». D’autres, dont nous faisions partie, se sont irrités devant ce qui ressemblait avant tout à un recyclage opportuniste et conventionnel de choses déjà vues, souvent en mieux, ailleurs – chez Harry Potter, dans les adaptations précédentes de la Famille Addams, comme, bien entendu, chez Tim Burton, producteur exécutif de la série et réalisateur de plusieurs épisodes. Suivant là où on se plaçait face à la première saison, cette seconde volée de 8 épisodes était attendue comme l’une des sorties majeures de l’année Netflix, ou, à l’inverse, comme un « non-événement » garanti. Et, spoilons-le tout de suite, cette suite, où les showrunners ont décidé – sans que ce soit une surprise pour nous – de faire à peu près la même chose en poussant juste les curseurs un peu plus loin, tente de répliquer les recettes du succès.
A Nevermore, l’école des « marginaux » dotés de pouvoirs surnaturels peu pratiques pour s’intégrer dans la société moderne (sirènes, loups garous, etc.), école désormais dirigée par un nouveau proviseur dynamique et plutôt sympathique (Steve Buscemi, excellent comme toujours), on se croirait toujours un peu trop à Poudlard : compétitions, amourettes, nouveaux professeurs mystérieux, énigmes héritées du passé de l’établissement… L’ombre envahissante de JK Rowling plane, et avec elle le sentiment regrettable d’un univers qui n’ose pas inventer ses propres codes. Ou de scénaristes manquant d’imagination…
À cela s’ajoute une écriture vraiment surchargée : trop d’intrigues parallèles multipliant les péripéties, les coups de théâtre, les « climax » qui cherchent à chaque fois à être plus forts, plus choquants, plus spectaculaires ; trop de personnages secondaires qu’on peine à suivre, trop de réapparitions artificielles d’anciens visages de la saison 1, que l’on ramène coûte que coûte. Ce foisonnement nous fait perdre le fil de l’intrigue principale telle qu’elle est présentée au début de la série – qui se prolongera apparemment dans la prochaine saison -, mais plus grave encore, par finit par diluer dans une multiplication de scènes trop conventionnellement rythmées ce qui pouvait constituer la singularité de la série : la méchanceté jubilatoire et le spleen pesant de Wednesday Addams…
Heureusement, tout n’est pas à jeter dans cette seconde saison, qui apporte une complexité et une profondeur bienvenues à la Famille Addams, et à ses membres (Catherine Zeta Jones et surtout Luis Guzmán ont bien plus l’opportunité de briller cette fois, même si, ironiquement, The Thing leur vole finalement la vedette) : la meilleure idée des scénaristes est bien de lier directement les évènements d’Evermore à de sombres secrets de famille. Heureusement aussi, il y a Tim Burton, réalisateur de quatre épisodes (les épisodes 1, 4, 7 et 8, qui s’avèrent les meilleurs), dont la patte reste bien reconnaissable. Que ce soit dans une séquence en stop-motion magnifique du premier épisode (l’histoire très « timburtonienne » d’un ancien élève de Nevermore ayant remplacé son cœur par un dispositif mécanique !), ou dans sa manière d’injecter çà et là (trop rarement sans doute…) un sentiment de malaise décalé, Burton réimagine la série telle qu’elle « devrait être » : un conte macabre où la poésie de l’étrange prend le pas sur la mécanique du scénario et l’action horrifique.
Quant à Jenna Ortega, si elle reste fascinante, impossible de ne pas regretter que le rôle même de Wednesday lui impose un jeu trop limité : on l’apprécie finalement beaucoup plus quand elle emprunte la fantaisie du personnage d’Enyd lors d’un passage jouant sur un « classique » échange de corps entre les deux amies, et qu’elle peut donc se laisser aller un jeu plus directement comique.
Au final, l’univers de Wednesday conserve une énergie visuelle qui nous séduira, au moins par instants, mais cette seconde saison prend trop le risque de l’éparpillement pour nous convaincre.
A suivre…
Eric Debarnot